Le blog des éditions Libertalia

François Duprat, l’homme qui inventa le Front national

mardi 1er mai 2012 :: Permalien

François Duprat, l’homme qui inventa le Front national.
Nicolas Lebourg et Joseph Beauregard. ;
Denoël « Impacts », 2012, 23,50 €.

Dense et édifiante, la longue étude de Nicolas Lebourg (historien) et de Joseph Beauregard (documentariste) sur l’une des figures de l’extrême droite des années 1960-1970 ne saurait être ignorée par ceux qui s’intéressent de près à l’histoire des marges politiques. Depuis la publication de Génération Occident (Frédéric Charpier, Le Seuil, 2005), aucun ouvrage n’avait dressé un portrait aussi fouillé de la nébuleuse nationaliste.

François Duprat, né en 1940, mort dans un attentat à la voiture piégée en mars 1978, est aujourd’hui encore cité en exemple par une certaine frange nationaliste révolutionnaire (voir la conférence organisée par Égalité & Réconciliation au théâtre de la Main d’or le 1er juin 2009). Passionné d’histoire (qu’il enseignait), soucieux des questions anti-impérialistes, propagandiste efficace, Duprat a traversé l’ensemble des mouvements politiques de son époque (Jeune Nation, Fédération des étudiants nationalistes, Occident, Ordre nouveau) jusqu’à devenir le numéro deux du Front national tout en créant son propre réseau : les Groupes nationalistes révolutionnaires (GNR).

Antisémite virulent, il est l’un des principaux propagateurs du négationnisme ; internationaliste fasciste, il soutient le régime du Baas syrien, la lutte des Palestiniens, les dictatures sud-américaines ; théoricien nationaliste, il impose à J.-M. Le Pen le slogan « Un million de chômeurs, c’est un million d’immigrés en trop » et place au premier rang des revendications frontistes la lutte contre l’immigration, évacuant la priorité accordée à la lutte contre le communisme ; stratège enfin, il imagine la prise du pouvoir par de petits groupes de militants déterminés réunis au sein des GNR.

Décrié dans ses propres rangs (il renseignait la police sur l’extrême gauche, balançait à l’occasion certains de ses camarades, faisait chanter les uns tout en monnayant les voix d’extrême droite auprès des partis de gouvernement), Duprat a été assassiné et la liste des commanditaires potentiels est tellement longue que les auteurs y consacrent un chapitre. Transformé en martyr par J.-M. Le Pen, tous les numéros deux successifs du FN lui ont rendu hommage (Stirbois, Mégret, Gollnisch). Depuis le congrès de passation des pouvoirs au FN, une page semble s’être tournée. Et, pourtant, au sein de l’entourage de Marine Le Pen, on retrouve tant Christian Bouchet que Frédéric Chatillon, des individus dont la proximité avec le nationalisme révolutionnaire n’est plus à démontrer.

Pour finir, signalons quand même une petite erreur (p. 67) : la propagande par le fait n’est pas « une formule qui provient de l’anarcho-syndicalisme ». Dressant le bilan désastreux du terrorisme et de la répression qu’il généra, une partie des anarchistes s’en détourne, à l’aube du xxe siècle, pour s’inscrire dans l’action syndicale.

N.N.