Le blog des éditions Libertalia

Ford Blanquefort même pas mort dans Politis

mercredi 21 novembre 2018 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Paru dans Politis, octobre 2018.

C’est un livre de lutte en faveur des 900 travailleurs de l’usine Ford de Blanquefort, près de Bordeaux, dont l’un des plus célèbres est l’ancien candidat NPA à la présidentielle et toujours syndicaliste CGT Philippe Poutou, qui coordonne l’ouvrage avec Béatrice Walylo. Alors que la multinationale a réalisé 7 milliards d’euros de profits et reçu 50 millions de subventions publiques, elle a décidé de liquider ce site. Les droits de ce livre réunissant de brillantes plumes, de Serge Halimi aux Pinçon-Charlot en passant par Guillaume Meurice, et les dessins de Faujour ou Colloghan sont reversés à l’Association de défense des emploi Ford.

Super-Héros, une histoire politique sur Lescomics.fr

mercredi 21 novembre 2018 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Paru sur Lescomics.fr, 5 novembre 2018.

Super-Héros : une histoire politique est un essai captivant plein d’anecdotes et d’exemples très pertinents démontrant que le super-héros est politique. Sortant des sentiers battus dans son approche et à travers certains héros choisis, le livre saura intéresser ceux pour qui le comics est lié au politique.

Comics-Love

« Tout est politique », cette phrase que l’on peut parfois entendre est une réflexion que j’apprécie particulièrement et dans laquelle je me retrouve.
Le titre du présent livre ne pouvait donc signifier qu’une lecture dans laquelle j’allais me retrouver. Eh bien, oui !
Non seulement l’ouvrage est pertinent dans la manière qu’il a d’expliquer comment les super-héros sont intimement liés à une construction et à une posture politique consciente ou inconsciente mais il parvient également à se faire très didactique. L’ouvrage est truffé de références plus ou moins connues (j’ai appris pas mal de choses, ce qui n’est pas étonnant puisque je n’ai rien d’un érudit) et surtout, son découpage est malin.
En effet, le livre de William Blanc analyse l’aspect politique à travers des personnages. On en retrouve des connus à côté desquels il était impossible de passer comme Superman ou Wonder Woman ainsi que Black Panther, mais il y en a également d’autres moins communs tels que Namor, l’Escadron Suprême ou encore Howard the Duck. Le tout forme un essai très bien documenté et aussi très synthétique. Les chapitres sont courts, illustrés grâce à des couvertures ou des images de films/séries et ils permettent de faire comprendre le point de vue de l’auteur très clairement. Je reprocherai simplement cette courte durée qui donne parfois un sentiment d’inachevé dans certaines réflexions, mais c’est mon côté casse-pieds qui fait ça. Parce qu’en vérité, les lecteurs seront suffisamment conquis par la clarté et les synthèses de la rédaction.
Alors, forcément, si vous vous lancez dans cette lecture, c’est que vous êtes déjà convaincus que l’histoire des comics est inscrite dans de nombreux courants politiques. Pour autant, à travers certains chapitres, vous apprendrez certains éléments que vous ignoriez et surtout, l’auteur ne fait pas que des louanges, montrant parfois certaines contradictions chez les créateurs ou les éditeurs.
Cependant, si William Blanc traite de l’aspect politique tel que l’on peut entendre de la manière la plus commune possible, c’est-à-dire via les thèmes sociaux, il va aussi l’analyser via la construction du mythe super-héroïque qui baigne dans une forme de stéréotype lui aussi très politique. C’est ici que l’on perçoit pleinement la qualité de l’ouvrage car il parvient à mettre le doigt sur des aspects que je connais mais où j’ai parfois du mal à analyser précisément. Un autre exemple que je vous laisserai trouver lors de votre lecture est lui aussi intéressant car il analyse un autre angle que j’ai découvert grâce à cette lecture.
Bref, Super-Héros : une histoire politique est une très bonne lecture. Pleine d’anecdotes et dotée d’un propos construit de manière suffisamment synthétique pour permettre une lecture facile, il se distingue des autres lectures à travers certains exemples originaux.

Panaït Istrati dans Le Canard enchaîné

mercredi 21 novembre 2018 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

À propos de la publication du second volume de la bande dessinée Istrati ! de Golo, dans Le Canard enchaîné du mercredi 21 novembre 2018. Notre édition de Codine est citée en fin d’article.

Le retour du vagabond magnifique

Le dessinateur Golo publie le second volume d’“Istrati !” (Actes Sud). Il y raconte la vie follement libre et libertaire de ce vagabond devenu écrivain.

Comme le bottier Georges Ionesco, qui le vit débarquer un jour de 1913, hirsute et mal rasé, dans sa boutique parisienne, quiconque lit Panaït Istrati (1884-1935) ne peut qu’être frappé d’un coup de foudre : tout à coup, voilà un ami, un frère ! Quelqu’un qu’on aurait aimé rencontrer, écouter conter ses mille et une aventures, avec qui on aurait volontiers embarqué pour Le Caire, Naples ou Beyrouth.
On s’enchante qu’il ait tant écrit, une vingtaine de livres à découvrir, lire et relire. On s’épate qu’après un long oubli les éditeurs s’en entichent de nouveau. On applaudit cette biographie réalisée par Golo (qui avait déjà admirablement réussi celle de B. Traven, autre grande figure d’aventurier libertaire hors norme). Cette entreprise titanesque, plus de 400 planches, Golo la réussit haut la main, s’inspirant au plus près des récits autobiographiques d’Istrati, nous restituant sa voix, sa fougue, son tumulte, l’accompagnant de son dessin terriblement vivant et généreux.
Il y a, dans les livres d’Istrati, tout ce qu’on n’apprend pas dans les livres, et qui fait rêver : le goût de l’amitié vraie, des bonheurs qui font pleurer, la passion pour les vérités simples et les grandes altitudes de l’esprit, l’inépuisable curiosité pour le vaste monde et le cœur des hommes. Il naît dans le petit port de Braïla, sur le Danube, d’une mère blanchisseuse et d’un père contrebandier (qui meurt alors qu’il a 9 mois). Conditions de vie précaires, avec déménagements à la cloche de bois…
Très jeune, Istrati dévore les livres. Puis la vie, les amitiés, les amours. A la belle couturière à qui sa mère veut le fiancer et qui lui dit son idéal de gagner beaucoup, il lance : « Non ! Je ne veux pas de “beaux enfants”, ni un “intérieur”, ni faire fortune ! Mon plus bel intérieur, c’est le grand air ! Ma plus grande fortune : mon corps, mes passions, ma pensée. » Il part à l’aventure, ne recule pas devant les nuits à la belle étoile, les punaises et les poux, les boulots de galère, goûte la compagnie des bonnes amies, de l’eau-de-vie et des narguilés, tient bon face à la tuberculose qui le ronge.
Comment, au sanatorium, il découvre, émerveillé, les livres de Romain Rolland et se met, à près de 40 ans, à apprendre en autodidacte cette langue fascinante, le français, pour en user ensuite merveilleusement, voilà ce que raconte ce second tome. Admiré, fêté, devenu l’un des rares prolétaires hissés au rang d’« écrivain révolutionnaire », Istrati applaudit la révolution bolchevique, est invité à visiter la toute jeune URSS lors de son 10e anniversaire, en 1927, la sillonne, en revient avec un livre terrible, « Vers l’autre flamme », où il en dénonce l’imposture et révèle ses quatre vérités, bien avant Gide.
Rattrapé par la tuberculose, il meurt, calomnié par ses anciens amis (Barbusse en tête) et traité de fasciste par « L’Humanité », mais heureux : il vient de lire un livre qui l’enthousiasme et dont il écrit la préface pour l’édition française. « J’ai trouvé un frère », dit-il. C’est « La vache enragée », de George Orwell.

• Tome I, « Le vagabond », 264 p., 26 €. Tome II, « L’écrivain », 220 p., 25 € (Actes Sud). Vient de paraître « Codine » (Libertalia), 146 p., 8 €, bref chef-d’œuvre où Istrati raconte son amitié, dès ses 12 ans, avec un féroce voyou au grand cœur nommé Codine.

Jean-Luc Porquet

Antifa sur le blog Bibliothèque Fahrenheit 451

mercredi 14 novembre 2018 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Publié sur le blog « Bibliothèque Fahrenheit 451 », 24 octobre 2018

Bernd Langer, militant de longue date, raconte un siècle d’antifascisme allemand et donne des clés pour comprendre comment l’opposition au nazisme, puis au néonazisme, s’est construite hors des partis institutionnels. L’histoire de l’Allemagne sert bien évidemment de toile de fond, avec l’accession au pouvoir des nazis, rapportée étape par étape, la guerre puis la guerre froide, jusqu’à la réunification. Il évoque aussi le mouvement antinucléaire, le mouvement des squats, les mobilisations contre l’extension de l’aéroport de Stuttgart.
En automne 1922, le Komintern, abandonnant l’objectif de révoltes armées, fixe comme stratégie le « front uni » aux partis communistes qui devront chercher à s’allier à d’autres partis ouvriers, sans pour autant former de coalition, mais en cherchant à les dominer et à « gagner les masses à l’idée de révolution mondiale ». Après l’occupation de la Ruhr par les troupes françaises et belges le 11 janvier 1923, le courant nationaliste-bolchevik « Radek-Schlageter » du KPD (Parti communiste allemand) défend une alliance avec l’extrême droite, avec ce prétexte. Cependant, de nombreux rassemblements antifascistes sont organisés et les Centuries prolétariennes sont armées en Saxe et en Thuringe. Après le putsch hitlérien raté du 9 novembre 1923 à Munich, la République de Weimar décide la création d’un corps de réservistes de la police et de l’armée qui comptera un million de membres. Des pans entiers du KPD avaient des réticences à l’égard de l’uniforme en raison du mouvement antimilitariste qui s’était opposé à la Première Guerre mondiale.
Le 26 avril 1925, Hindenburg est élu chancelier avec 3 % d’avance, les communistes ayant refusé une alliance avec les sociaux-démocrates, considérés comme des « fascistes-sociaux » et qu’ils tiendront très longtemps pour les ennemis principaux. Le NSDAP (parti national socialiste) est de nouveau autorisé depuis février, mais reste confidentiel, ne recueillant que 2,6 % des voix en 1928. Hitler, dans l’incapacité d’être élu car apatride, ne semble pas dangereux, plutôt ridicule, jusqu’en 1933. La crise économique mondiale s’abat sur l’Allemagne en 1929 et le nombre des chômeurs représente 16,3 % de la population en février 1932, soit 6,12 millions ! Le NSDAP, clouant au pilori « la mise en esclavage de la patrie par les puissances étrangères », prend son essor à partir de 1930 jusqu’à devenir un mouvement de masse, passant de 810 000 électeurs en 1928 à 6,4 millions. En 1931, le KPD soutient le référendum imposé par les mouvements d’extrême droite contre le gouvernement de Prusse ! Les 17 et 18 octobre 1931, Hitler, pour se démarquer des autres mouvements d’extrême droite, organise la « marche des 100 000 » à Brunswick, immense défilé paramilitaire dans une commune de 150 000 habitants, dans une ambiance de guerre civile. C’est le gouvernement de Brunswick qui lui procura la nationalité allemande en 1932. Après une campagne électorale extrêmement violente, causant 86 morts, le NSDAP devint le premier parti du Reichstag avec 37,3 % des voix. Le 30 janvier 1933, le président Hindenburg nomma Hitler chancelier. Le SPD s’en tient à sa démarche légaliste, et le KPD appelle à la grève générale, mais seul un de ses membres sur neuf a encore un emploi ! Profitant de l’incendie du Reichstag le 27 février, Hitler criminalise puis interdit le KPD, annulant tous ses mandats électoraux, même si le « Livre brun de l’incendie du Reichstag et de la terreur hitlérienne », publié à Paris, coupe l’herbe sous le pied à la propagande mensongère des nazis. La déclaration de neutralité des syndicats ne servit à rien, en mai leurs locaux furent occupés, leurs cadres arrêtés et leurs fonds saisis. Le 22 juin, le SPD disparut, sans direction clandestine, à cause de son entêtement à rester dans la légalité. Le KPD avait organisé une structure clandestine mais son centralisme se révéla fatal lorsque tous ses cadres furent arrêtés en même temps début mars, puis 60 000 militants entre 1933 et 1934.
L’amélioration de la situation économique s’avéra plus longue et difficile que prévue et les SA, service d’ordre composé de 4,5 millions de miliciens en 1934, instrument essentiel du NSDAP dans sa marche au pouvoir, devinrent source d’insécurité et d’instabilité politique. Hitler n’hésita pas à les sacrifier pour concentrer le pouvoir, en arrêtant et exécutant la hiérarchie du mouvement.
« La prise de pouvoir par les nationaux-socialistes dans le Reich allemand renforça les tendances fascistes dans toute l’Europe, et l’antiracisme devint un phénomène de masse. » En France, après la manifestation du 6 février 1934, un pacte d’action antifasciste formel fut conclu entre les partis communiste, socialiste et radical qui aboutira au gouvernement de Front populaire. La même évolution se dessina en Espagne. 5 000 émigrants allemands rejoignirent les Brigades internationales. La plus grande trahison faite à l’antiracisme restera la signature le 23 août 1939 du pacte germano-soviétique de non-agression qui rencontra l’incompréhension et le refus de beaucoup de membres et de sympathisant.es.
« Dans les pays occupés ou dominés par l’Allemagne, la cause de la libération nationale se fondit avec celle de l’antifascisme. » En France, en Grèce et ailleurs en Europe, quelques centaines de déserteurs allemands rejoignirent la résistance.
Bernd Langer recense également les résistances en Allemagne pendant la guerre. À Munich, un groupe d’étudiants, Die Weisse Rose, rédigea et distribua six tracts contre le national-socialisme entre juin 1942 et juin 1943, avant d’être arrêtés et guillotinés. D’autres groupes clandestins, les Edelweisspiraten, affrontèrent physiquement les Jeunesses hitlériennes. La bombe installée par Georg Elser à Munich explosa au moment prévu mais manqua Hitler qui partit treize minutes plus tôt.
La RFA créée en mai 1949 fut aussitôt confrontée au néofascisme. Les prémices d’un mouvement antifasciste extraparlementaire existaient dès les années 1960, notamment en 1968 contre les lois sur l’état d’urgence. Dans les années 1970, des « cercles de travail » collectent des informations sur l’extrême droite radicale et, à partir de 1977, des actions coup-de-poing sont entreprises et des manifestations organisées contre les rassemblements du parti néonazi, le NPD, qui réunirent 5 000 personnes à Francfort le 17 juin 1978, puis entre 40 et 50 000 en 1979 à Römerberg. En 1981, une organisation antifasciste à l’échelle nationale commença à émerger, divisée en deux tendances : les militant.es anti-nazi.es et les anti-impérialistes. À partir de 1983, le mouvement des autonomes pratiquant la lutte offensive prit de l’ampleur, à l’occasion du blocage du meeting du NPD à Fallingbostel le 17 juin. Des tracts circulèrent développant la thèse de « l’impérialisme fasciste » : « Pour combattre le fascisme, il faut combattre le système impérialiste ! » Les différents rassemblements sont minutieusement rapporter par l’auteur, partie prenante de ces mouvements : bataille rangée à Nesselwangen en mai 1985 contre la réunion de 600 vétérans SS, les semaines agitées qui suivirent la mort de Günter Sare, écrasé par un véhicule de la police, les actions contre le Volkstrauertag (Jour de deuil pour le peuple) au cimetière militaire de Essel, etc. Une vague de répression suivit la mort de deux policiers pendant une manifestation contre l’extension de l’aéroport de Francfort en novembre 1987.
Avec la dissolution de la RDA en 1989, l’extrême droite refait surface, sous forme d’agressions violentes causant morts et blessés, parallèlement à la naissance du mouvement des squats qui entrent immédiatement en conflit avec les néonazis. En septembre 1991, des commerçants vietnamiens sont attaqués par une poignée de jeunes néonazis à Hoyerswerda, puis 500 personnes attaquèrent un foyer de réfugiés. Une manifestation antifasciste pacifiste rassembla 5 000 personnes. Pourtant quelques mois plus tard, en août 1992, Rostock vécut plusieurs jours d’émeutes racistes rassemblant plus d’un millier d’extrémistes de droite soutenus par 3 000 curieux qui applaudissaient leurs violences, autour d’un foyer pour immigrés surpeuplé.
Le Thüringer Heimatschutz (THS) devint une structure néofasciste de premier plan, avec l’aide et la coopération de l’État qui employait 25 % de ses membres comme agents de renseignement, et donna naissance à une nouvelle cellule terroriste d’extrême droite radicale, le NSU autour de Beate Zschäpe, Uwe Mundlos et Uwe Böhnhardt qui commirent une série de meurtres racistes isolés entre 2000 et 2006 que la police et les médias attribuèrent longtemps à des règlements de compte mafieux. 
L’antifascisme devint une doctrine d’État fédératrice mais en présentant l’Allemagne libérée du nazisme en 1945, comme la France ou la Hollande, alors que les Alliés durent se battre village par village pour démanteler militairement le régime national-socialiste.
La conférence de l’OMC à Seattle fut le point de départ du mouvement antimondialisation fin 1999. Un nouveau réseau de groupes d’extrême gauche anticapitaliste se créa fin 2005 qui participera activement au blocage du G8 à Heiligendamm en 2008 réunissant 50 000 personnes avec un Schwatzer Block de plusieurs milliers de militant.es, et des rassemblements en mémoire du bombardement de Dresde en 1945, notamment.
Puis, le 22 juillet 2011 Anders Breivik tua 77 personnes en Norvège, le mouvement Pediga apparut en 2014.
Cet ouvrage avant tout historique interroge des problématiques on ne peut plus actuelles. Son exhaustivité, puisque aucun groupuscule ne semble avoir été oublié, ne rend nullement sa lecture austère, stimulée par ailleurs pas l’abondance iconographique, et interroge la grande diversité des stratégies mises en œuvre face à l’extrême droite.