Le blog des éditions Libertalia

Sur l’enseignement de l’histoire dans L’Obs

vendredi 6 juillet 2018 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

L’Obs, 24 mai 2018.

Comment enseigner l’histoire ?

La chercheuse Laurence De Cock s’est penchée sur un siècle de programmes scolaires. Du « récit national » élaboré par la IIIe République aux débats récents sur le passé colonial, elle montre comment la discipline est devenue peu à peu un enjeu brûlant.

Depuis quarante ans, l’enseignement de l’histoire déclenche des passions. Votre livre retrace les crises successives, en remontant aux sources : archives ministérielles, programmes, enquêtes sociologiques. Quel bilan en tirez-vous ?

Avec le recul, ce qui se dégage, c’est la relégation progressive des professeurs d’histoire. Peu à peu, ils ont été écartés, et la discussion a été monopolisée par les polémistes, les politiques et les médias, sur des bases très éloignées du terrain. Les praticiens n’ont pas pu montrer la réalité de leur travail.

Vous parlez d’un « dispositif malsain de politisation ». Mais n’est-il pas normal que la discussion dépasse le cercle des professionnels et soit ouverte à tous ?

Bien sûr que l’histoire doit être l’objet d’un débat démocratique : tout le monde a son rapport au passé et a le droit d’en faire ce qu’il veut. Le problème, c’est quand le débat oublie un maillon essentiel : celui des enseignants. Actuellement, dans l’espace public, les professeurs sont non seulement ignorés, mais même dominés et ouvertement piétinés. Du reste, cela vaut pour toutes les disciplines, comme on l’a encore vu avec la récente circulaire du ministre de l’Éducation à destination des enseignants du primaire, où Jean-Michel Blanquer leur explique exactement ce qu’ils doivent faire, comme si les profs n’avaient pas à participer à la réflexion sur leur travail.

Concernant l’histoire, comment expliquez-vous cette évolution ?

L’histoire renvoie à la question identitaire, dont on connaît la place centrale aujourd’hui dans le débat politique. Plus que les mathématiques ou la physique, elle se trouve donc confrontée à une vague qui l’emporte. Par ailleurs, elle est aussi le miroir d’une certaine conception du pouvoir. Le roman national écrit à la fin du XIXe siècle repose sur l’idée que l’histoire est faite par les êtres exceptionnels, les grands hommes : Vercingétorix, Clovis, Charlemagne, Louis XIV…
La marche des événements est le produit des puissants. Aussi, lorsque des enseignants proposent une vision qui met en avant non plus les puissants, mais les rapports de domination – c’est-à-dire les puissants aux prises avec des résistances, ce que l’on appelle en historiographie « l’histoire populaire » – cela suscite des réactions du côté des institutions.
Croisés, ces deux facteurs font de notre discipline un objet surinvesti par les discours publics, et donc passionnel.

Une idée reçue veut que l’enseignement de l’histoire ait connu un âge d’or avant de se dérégler progressivement à partir de 68, jusqu’à devenir le champ de bataille actuel. Mais, selon vos travaux, la réalité est un peu plus compliquée…

Les premiers programmes, à la fin du XIXe siècle, sont écrits par des historiens, à l’image de Lavisse, un universitaire, spécialiste d’histoire moderne, qui va diriger la rédaction des manuels scolaires du primaire et du secondaire. Le récit historique national prend forme, qui commence rituellement par «  Il y a deux mille ans, notre pays s’appelait la Gaule… » et se termine par « jusqu’à nos jours ». L’histoire de France apparaît comme une avancée régulière, avec une nation toujours plus forte et des étapes comme la christianisation, les rois, la Révolution, le tout formant une trame assez lisse, mettant en scène des grands personnages. Mais déjà, en 1918, cette trame va subir une inflexion pacifiste assez profonde. Surtout, à partir de 1945, on va se demander si ce roman national, où les races étaient hiérarchisées et la colonisation présentée comme une mission civilisatrice, a pu contribuer à banaliser le racisme. Des colloques, des circulaires, des revues pédagogiques – qui sont alors très lues – initient une réflexion sur un enseignement de l’histoire qui soit au service de la tolérance et de la paix. En 1957, Fernand Braudel introduit dans les programmes de terminale sa fameuse « grammaire des civilisations ». Ceux des autres classes ne changent guère, mais les enseignants, plus mobilisés qu’aujourd’hui, s’en emparent différemment et n’hésitent pas à faire sortir l’histoire du carcan hexagonal.

En somme, 68, à qui on attribue tant de péchés, n’aura été que l’aboutissement de ce processus de « modernisation ».

Mais il y eut quand même plusieurs ruptures : la prise de parole des comités d’action lycéens, l’arrivée de la « pédagogie de l’éveil » à la rentrée 1969 pour le primaire, l’histoire partiellement thématique en 1976 pour le secondaire.

Et puis, à la fin des années 1970, brusquement, l’enseignement de l’histoire est déclaré en péril. C’est l’historien Alain Decaux, dont l’émission « Alain Decaux raconte » est alors très regardée, qui met le feu à la plaine.

En 1979, Alain Decaux donne une conférence à Vichy et une institutrice lui dit : « La pédagogie de l’éveil est une catastrophe, les enfants ne savent plus situer Charlemagne et Louis XIV. » Alain Decaux pousse un cri d’alarme en une du Figaro magazine : « On n’enseigne plus l’histoire à vos enfants. » Des articles, des ouvrages, des colloques et même deux propositions de loi, entretiennent le « scandale ». Le candidat Mitterrand en parle dans son programme électoral et, devenu président, l’évoquera en conseil des ministres en 1983.

Sur quoi porte le débat ?

Très vite, la question pédagogique – cours classique ou techniques d’éveil – va laisser place à celle de l’identité : doit-on adapter le programme d’histoire à la pluralité culturelle dans les classes ? Car, au même moment, la perception de l’immigration change. On passe de la lecture sociale au prisme culturel, du travailleur immigré à l’immigré musulman.
L’école s’interroge : comment faire une place aux nouveaux venus ? Le débat dépasse le clivage gauche-droite. Pour les uns – dont Jean-Pierre Chevènement, alors ministre de l’Éducation nationale – la République ne reconnaît ni les identités ni les cultures, mais seulement la citoyenneté, et le récit national-républicain est le meilleur moyen d’intégrer les enfants d’où qu’ils viennent. Pour d’autres – par exemple l’orientaliste Jacques Berque – le programme doit insister sur l’immigration, la connaissance des pays méditerranéens et l’histoire coloniale, afin d’expliquer aux enfants issus de cette histoire pourquoi ils sont là.
En 1984, dans un dialogue publié par Le Débat, Claude Nicolet, futur responsable des programmes d’éducation civique, refuse que la République s’intéresse à la question de l’identité, et Mona Ozouf lui répond que la République s’y est toujours intéressée. L’historienne, qui est d’origine bretonne, raconte que, quand elle était à l’école, se posait déjà la question de la reconnaissance des identités culturelles.

On retrouve les termes du débat actuel…

Tout à fait, mais on sent des deux côtés la recherche d’un compromis. Ces gens dialoguent sans invectives, sans mépris, Chevènement et Berque sont amis. Tout le monde partage la volonté que ces enfants-là se sentent bien à l’école, simplement, on n’a pas encore trouvé la solution. Les deux conceptions témoignent d’une vraie générosité vis-à-vis des enfants issus de l’immigration postcoloniale. Cela a bien changé depuis…

Comment la discussion s’est-elle tendue ?

À mesure que la question de l’islam va s’y greffer, avec l’affaire du voile à Creil en 1989 et les premiers attentats islamiques en 1995. La bienveillance se dissipe et les tenants du récit national-républicain regardent avec beaucoup d’hostilité ceux qui ne pensent pas comme eux, parlant de « repentance », d’« ethno-masochisme », de complaisance face au communautarisme islamique. Des outrances déconnectées de la réalité des classes et qui rendent impossible le dialogue.

Justement, quelle est la réalité des classes, selon vous ?

Je vais prendre le cas de la Shoah, dont on dit qu’elle est devenue impossible à enseigner. Oui, c’est difficile d’enseigner la Shoah, partout, parce que c’est un sujet très sensible et qui nous remue, enseignants comme élèves. Mais, en instrumentalisant le sujet, les politiques et les médias redoublent la difficulté. Aujourd’hui, on demande à l’école de guérir la société du racisme et de l’antisémitisme, de mettre en œuvre le « plus jamais ça ». C’est une commande impossible, qui entretient l’impuissance et donc la souffrance. Je ne nie pas qu’il y ait des propos de nature antisémite parfois dans les classes – d’ailleurs, moins souvent à propos de la Shoah que sur le conflit israélo-palestinien. Mais le propre du métier d’enseignant, c’est d’avoir face à soi des esprits en formation, non des adultes avec une pensée finie. Pour lutter contre ces propos, la répression n’est pas efficace : il faut faire de la pédagogie, ce qui est le rôle d’un prof. En 2002, Simone Veil mettait en garde : « N’y a-t-il pas une certaine fatuité dans l’affirmation que l’étude de la Shoah pourrait prévenir guerres et massacres dans le futur ? »

Pourtant, vous rappeliez vous-même qu’en 1945 l’école s’était donné pour mission de lutter contre le racisme.

Oui, mais la question du « plus jamais ça » était alors posée en lien avec les pratiques pédagogiques, l’organisation de l’école, la démocratisation du secondaire. Aujourd’hui, on croit qu’il suffit de changer une phrase dans un texte pour être efficace – et qu’importe que les classes comptent 35 élèves, que les établissements soient sous-équipés, que les écoles ferment dans les espaces ruraux. Il faut articuler réformes structurelles et réformes des contenus.

Au fond, quelle est la mission de l’enseignement de l’histoire – s’il en a une ?

J’en identifie trois. D’abord, la finalité identitaire, qui remonte à la IIIe République et qui pourrait prendre aujourd’hui la forme de l’idée du passé comme bien commun. Ensuite, la finalité civique : en apprenant des épisodes comme la Révolution ou la Résistance, l’enfant pourrait prendre conscience qu’il aura un rôle à jouer lorsqu’il sera adulte. Et la troisième, c’est la finalité intellectuelle ou critique : apprendre à juger par soi-même. Tout l’enjeu est l’équilibre entre les trois : dans les débats actuels, la finalité critique est systématiquement sacrifiée. Lorsque Jean-Michel Blanquer dit que l’enseignement de l’histoire ne doit pas servir à faire douter, eh bien il se trompe. Car justement, ça sert à cela. Non pas au sens de nier les faits, mais au sens de penser en individu libre, autonome, émancipé – exactement ce que commandent ces Lumières dont on se gargarise tant ! Un tel recul est indispensable pour devenir citoyen engagé : la citoyenneté est forcément une citoyenneté critique.

La dernière poussée de fièvre sur l’histoire remonte à 2015, sous François Hollande, avec ces fameux programmes accusés de donner plus d’importance à l’islam qu’aux Lumières… Comment jugez-vous cet épisode ?

Il y avait de bonnes idées, comme la distinction entre de grandes questions obligatoires et d’autres, plus précises et facultatives. Ou encore les libellés assez larges. Tout cela donne de la souplesse aux enseignants, ce que je crois une bonne chose. Mais mettre l’islam et la colonisation dans la catégorie obligatoire sans anticiper que cela mettrait le feu à la plaine, quelle maladresse et quelle méconnaissance du champ ! Le résultat de ce fiasco, c’est qu’aujourd’hui, pour contenter tout le monde, les programmes sont devenus boiteux. Ils ne sont ni réactionnaires ni progressistes. Pour désamorcer les critiques, chaque mot est soupesé, et toute créativité devient impossible. Pour ma part, je plaide pour des programmes le moins coercitifs possible, type la Première Guerre mondiale. Et que chaque professeur s’en empare.

Au risque que chacun en fasse l’usage qu’il veut ? Y compris un usage réactionnaire ou xénophobe ?

Ma conviction est que si l’on s’intéresse à l’histoire, à la vie des hommes et des femmes dans le temps, aux causalités, aux déroulés, aux devenirs, aux possibles… on ne saurait être réactionnaire ! Alors, oui, il y aura toujours des gens qui déformeront cette démarche, mais je préfère prendre ce risque, plutôt que d’appliquer des programmes tatillons qui ne veulent plus rien dire.

De 1999 à 2016, vous avez été professeure d’histoire à Nanterre, en zone dite « sensible ». Qu’en avez-vous retenu ?

J’étais très jeune, provinciale, issue d’un milieu bourgeois, quand j’ai débarqué dans un quartier populaire à Nanterre. Au bout d’une semaine, j’ai voulu démissionner. Si je me suis accrochée, c’est non pas grâce à ma formation de prof, mais en lisant deux ouvrages de sociologie : Un Nanterre algérien, terre de bidonvilles, d’Abdelmalek Sayad, et Cœur de banlieue, de David Lepoutre. J’ai compris que j’étais dans un territoire postcolonial, que les élèves en face de moi portaient ce passé-là, que la situation pédagogique entre eux et moi était surdéterminée par ce cadre douloureux. J’ai décidé d’en faire ma thèse et je me suis mise à l’écoute de ces gamins. J’ai traversé avec eux le 11 septembre 2001, la loi sur le voile de 2003, les révoltes de 2005. J’ai appris qu’à cette occasion certains d’entre eux, à 12 ou 13 ans, avaient été fouillés nus dans un gymnase. J’ai fait cours dans des préfabriqués qui laissaient passer l’eau, j’ai vu l’établissement se dégrader à cause de l’abandon par l’État, et non du fait des élèves. Mais j’ai aussi vécu des heures passionnantes, avec des gamins enthousiastes pour mille projets et j’ai découvert une sociabilité professionnelle incroyable, avec des gens ultramobilisés, ultradévoués aux élèves.

Et vous n’aviez pas de difficulté à enseigner l’histoire ?

Parfois, oui, mais n’est-ce pas cela, enseigner ? J’ai eu des élèves en colère, des élèves qui parfois me demandaient des comptes en tant que représentante de l’institution, qui voulaient savoir sur le racisme, les violences policières. Mais j’ai eu aussi des élèves curieux d’apprendre. Et d’autres qui s’ennuyaient, comme cela arrive depuis que l’école existe !

Propos recueillis par Eric Aeschimann

Cinq ans de métro sur StreetPress

vendredi 6 juillet 2018 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Sur StreetPress, 18 mai 2018.

Pour échapper aux patrons, Fred Alpi décide d’aller chanter dans le métro. De ses souvenirs, il tire Cinq ans de métro, un roman autobiographique publié aux éditions Libertalia.

Le rendez-vous est donné aux Parigots, anciennement baptisé Café des Syndicats. C’est là que les militants de la Bourse du travail viennent se rafraîchir. Un univers qui parle à Fred Alpi, lui qui a longtemps été compagnon de route de la CNT. Au début des années 2000, il écrit pour le fanzine Barricata avec Nicolas Norrito, son ami qui a fondé en 2007 les éditions Libertalia. C’est grâce à cette petite maison libertaire que Fred Alpi a sorti, jeudi 3 mai, son premier roman autobiographique, inspiré de son quotidien de chanteur dans le métro entre 1991 et 1996. Sur l’appli calendrier de son smartphone, il a programmé un rappel, comme s’il pouvait oublier la date de sortie de Cinq ans de métro, son bouquin.
S’il se lance, guitare en bandoulière, un après-midi de février 1991, à la station Châtelet, c’est d’abord pour « fuir le salariat », qu’il vient d’expérimenter en tant que rédacteur-traducteur dans une agence de pub. Une boîte qu’il rejoint par obligation : il est « criblé de dettes ». Il subit les « 70 heures par semaine » et le « harcèlement sexuel  » de son patron, avant de claquer la porte. « Je n’ai jamais supporté la relation hiérarchique : c’est physique », explique le quinquagénaire, chemise noire, ses cheveux bruns plaqués en arrière et ses deux anneaux accrochés à l’oreille gauche. Dans le métro, pas de patrons, pas d’horaires fixes. Une activité qui lui rapporte près de 1 200 euros par mois : « Ça me permettait de payer le loyer, j’avais de quoi manger. »
Dans les rames, équipé de sa guitare acoustique, le chanteur a un poste privilégié pour observer les comportements qui traversent la société et qui, en sous-sol, se retrouvent « exacerbés  ». Il décrit les « frotteurs » ou le « manspreading » déjà à l’œuvre au début des années 1990 : « Ça a été une grande surprise à l’écriture du livre. Je me suis dit que tout ce qu’on vivait aujourd’hui existait déjà à l’époque. Sauf qu’aujourd’hui, c’est pire, et c’est assumé avec cynisme. »
Alors, le chanteur offre aux voyageurs un moment de réconfort, provoquant parfois quelques rires. Il alterne les textes romantiques de Jacques Brel ou d’Édith Piaf avec des titres plus engagés, comme ceux de Léo Ferré ou Georges Brassens. C’est à travers l’auteur de L’Auvergnat qu’il découvre la chanson française, à 12 ans. C’est aussi grâce au chanteur moustachu, qui signait dans les colonnes du journal de la Fédération anarchiste sous le pseudo de Géo Cédille, qu’il se prend d’amour pour les idées libertaires : « Il a toujours eu un discours contre l’État, les flics, les patrons, les curés, d’une façon poétique et drôle. »
Il raconte aussi les agissements « fascistes », dit-il, des vigiles de la RATP dont il croise la route. Ces « voyous avec accréditation », comme il les décrit, sont recrutés pour « faire abstraction de toute morale » et mettre dehors les sans-abri qui fuient le froid de la rue et les chanteurs qui, comme lui, outrepassent la loi. Car chanter dans les wagons est une activité illégale, aujourd’hui en voie de disparition : « À l’époque, c’était possible. En cinq ans, j’ai eu trois amendes de 400 francs, ça faisait une journée de boulot. Aujourd’hui ça n’est plus possible. Les vigiles sont armés, la RATP a décidé que le métro devait être un lieu aseptisé. »
En 1996, il stoppe ses tournées de reprises dans le métro pour se consacrer à ses propres créations. Une parenthèse refermée, qui lui a permis de rencontrer des profils aussi disparates qu’un montreur de marionnettes, un trio de chanteuses jazz américaines, un ancien militaire devenu sans-abri : « Quand j’ai commencé, j’avais juste envie qu’on ne m’emmerde pas. J’étais un anarchiste individualiste. Et puis j’ai compris que je ne m’en sortirais pas tout seul, ça a développé chez moi une vraie conscience collective. »
Depuis, Fred Alpi a eu mille vies. Prof de kung-fu, chanteur de post-rock avec son groupe The Angry Cats ou de chanson française en solo, traducteur de bouquins pour les éditions Libertalia. Et désormais écrivain. Mais toujours sans patron. Trois jours plus tôt, il donnait dans le centre de Montreuil sa première « lecture-concert », avant une tournée à travers la France. Devant une foule de trentenaires vêtus de noir, le chanteur ponctue des extraits de son bouquin de reprises de monuments de la chanson française mais aussi de compos inspirées du roman. Une manière pour lui de revivre ces « cinq ans de joie » sur les rails parisiens.

Timothée de Rauglaudre

Plus vivants que jamais dans Le Combat syndicaliste

vendredi 6 juillet 2018 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Dans Le Combat syndicaliste, avril 2018.

Émeutes, émotions, émancipation :
Plus vivants que jamais

Témoignage à chaud de quelques semaines des mois de mai et juin 1968 parisiens, certes, mais Plus vivants que jamais est aussi plus que ça. Les occupations, les barricades, les flics, le Quartier latin, les camarades, la course, l’urgence, les médias, De Gaulle, Cohn-Bendit, les espoirs et les trahisons, le PC, la CGT, les maos, les trotskos, les CAL, etc., mais aussi de la lucidité : « Peu à peu les choses nous échappent. Nous avons donné le coup d’envoi et, comme il est naturel, comme nous l’espérions, la classe ouvrière prend le relais. Un relais autrement dangereux pour le régime. » Et puis au détour d’un récit haletant, presque par hasard, on trouve des « c’est fou ce qu’on apprend la vie, ces temps-ci ». Quand on a vingt ans et qu’on vit un mouvement social comme ça, forcément, ça aide, ça pose. L’alors ex-étudiant et futur poète éclatant Pierre Peuchmaurd raconte sans fard l’intensité de ces journées : phrases courtes et percutantes, poésie émeutière, pour l’essentiel, mais aussi quelque part description d’un rite de passage vers ce qu’il nomme « maturité ». Tout a changé, pendant ce mouvement, les gamins qu’ils étaient comprennent qu’on ne joue plus. « Nous nous sommes retrouvés » – avec eux-mêmes, en eux-mêmes. Mai 68 n’était pas que la révolte adolescente contre le père, loin s’en faut, mais ce n’était pas non plus un mouvement social et politique abstrait sans aucune incidence psychologique sur et de la part des gens de l’époque, et plus encore ceux qui y ont directement participé. Plus vivants que jamais illustre parfaitement le fait que la lutte permet aussi de gagner quelque chose pour soi, et ça c’est incommensurable.

Bastien SIPMCS

Cinq ans de métro sur Among the Living

vendredi 6 juillet 2018 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

http://amongtheliving.fr/fred-alpi-5-ans-de-metro — 29 mai 2018.

Tranche de vie d’un artiste au rock bien chevillé au corps, Cinq ans de métro revient sur l’expérience suburbaine de Fred alpi, aujourd’hui chanteur et guitariste du groupe The Angry Cats.
Entre portraits au vitriol de nos contemporains et analyse fine et libertaire du comportement des usagers, Fred Alpi propose ici un livre dans lequel on se laisse happer sans résistance. Truffé d’anecdotes faisant parfois sourire mais mettant souvent en exergue la dureté de la vie et ses trajectoires tortueuses. On marche dans les pas de l’auteur sur les quais noirs du métro parisien où la détresse côtoie la routine de millions d’usagers, la plupart hermétiques à leur environnement immédiat.
Durant cinq ans l’auteur a chanté, au gré des lignes du métropolitain, des classiques de la chanson française, de Dutronc à Brel en passant par Gainsbourg et Piaf, cassant la monotonie du transport. Spectateur des transformations réglementaires de la RATP au fils d’élections successives, subissant les nouvelles tendances souvent sécuritaires d’une société en mutation qui normalise tout, l’auteur nous brosse un portrait de la France des transportés et des laissés pour compte, coexistant en s’ignorant le temps d’un déplacement et d’une chanson.
Découpé en 17 chapitres portant tous le titre d’une chanson, Cinq ans de métro couvre les années que Fred Alpi a passé dans le métro à partir de 1989, à son retour de Berlin. Un quotidien vital à plus d’un titre pour lui, qui s’est juré de ne plus avoir de patron à qui se subordonner, à ne rien devoir qu’à lui-même. À travers ce récit captivant, l’auteur réussit à me replonger, avec un œil juste, dans une époque que j’ai bien connue en empruntant quotidiennement l’asphalte des méandres du métro. Les comportements n’ont pas vraiment changé aujourd’hui et chacun y retrouvera des situations qu’il a déjà connu. Une bien belle plongée dans un univers vu de l’autre côté de la guitare et avec de vraies valeurs. Bravo !

Stéphane Birlouez

Souvenirs d’une morte-vivante dans Le Monde diplomatique

vendredi 6 juillet 2018 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Souvenirs d’une morte-vivante, dans Le Monde diplomatique, décembre 2017.

Publiés anonymement en 1909 grâce à l’aide de l’écrivain Lucien Descaves et réédités en 1976 par François Maspero, les souvenirs de Victorine Brocher (1839-1921) vont de la révolution de 1848 au lendemain de la Commune de Paris, quand elle est contrainte à l’exil. Fille d’un ardent républicain exilé en Belgique après le coup d’État de Louis Napoléon Bonaparte, elle fait partie de ceux pour qui « république était un mot magique » – une république sociale, qui passe par l’engagement dans l’Association internationale des travailleurs (AIT). Cantinière et ambulancière dans un bataillon de fédérés durant la Commune, elle fait preuve d’une fidélité à toute épreuve, mais n’est pas dupe des faiblesses de son camp : « Il ne suffit pas de triompher, écrit-elle après le 18 mars 1871, il faut savoir garder le terrain conquis. » Condamnée à mort pour l’incendie de la Cour des comptes, auquel elle n’a pas pris part, elle sait à quoi s’en tenir des calomnies déversées sur les communards. Dans une langue simple, elle veut avant tout témoigner afin d’« encore rendre quelques services aux vaincus ».

CJ