Le blog des éditions Libertalia

Voyage en idéologie sécuritaire

samedi 8 janvier 2011 :: Permalien

Certains se demandent peut-être ce que nous faisons en ce moment. Eh bien, c’est simple, nous sommes plongés dans les livres ! Original, non ?

Travailleurs, vos papiers ! est presque fini, il a fallu entrer les dernières corrections des auteurs. Clio et les Grands-Blancs est disponible, mais il faut désormais le défendre : on contacte les libraires, on écrit aux journalistes, on essaie d’en parler avec passion. Ce texte exigeant sur l’anticolonialisme est en effet un de nos grands coups de cœur.

Enfin, on travaille sur le livre à paraître de notre compagnon Mathieu Rigouste, l’auteur de L’Ennemi intérieur (La Découverte, 2008).
Comme je vous vois curieux, je me dis qu’il faut vous en livrer un extrait en guise d’étrennes. Bonne année à tous ! Paix, justice et dignité !

* * *

« En quarante ans, la coalition des “bénéficiaires secondaires du crime” s’est organisée en véritable groupe d’intérêt, d’influence et de pression à l’intérieur des classes dominantes. Il existe désormais une strate des contrôleurs et les marchands de peur en constituent l’avant-garde idéologique. Conscients d’avoir des intérêts et des pouvoirs particuliers, ils agissent en fonction de ces intérêts et dominent désormais le centre nerveux des sociétés de contrôle, la production de la peur, qu’ils ont participé à édifier comme superstructure. Le réseau des idéologues sécuritaires s’organise lui-même autour de contradictions internes. Présentées comme des oppositions théoriques, tactiques ou stratégiques, elles révèlent en fait l’alignement des bandes d’idéologues sur certains secteurs industriels particuliers et qui parfois s’opposent.

Xavier Raufer résume les nouveaux pouvoirs des idéologues du contrôle :

“Aujourd’hui, ces criminologues parcourent le monde, participent aux rencontres internationales de niveau stratégique. Au cœur de la lutte contre le crime organisé et le terrorisme, ils forgent des concepts nouveaux et globaux ; leurs analyses et études irriguent les centres de décision. Ils forment les analystes de ministères régaliens : Défense, Justice, Intérieur ; des cadres d’entreprises mondialisées ou d’organisations non-gouvernementales humanitaires, sachant ensuite élaborer des diagnostics sûrs.”

La bande à Bauer domine aussi parce qu’elle a su associer des réseaux de la gauche libérale (Rocard), de la droite atlantiste (Sarkozy) et de divers courants de l’extrême droite. Cet éventail de coopérations lui permet d’être écoutée dans les gouvernements quel que soit le résultat des élections et des remaniements. C’est un critère déterminant pour être au service des industries et de leurs systèmes financiers.
Mais ce qui assure in fine la domination de la bande à Bauer dans le champ de l’idéologie sécuritaire, c’est ce qu’elle vend et en particulier sa notion-marchandise principale, le décèlement précoce. Cette idée est l’exacte traduction des intérêts de marchés de la sécurité cherchant à se développer quand la demande reste faible ou inexistante. Il faut faire un long détour sur une affaire particulière – l’affaire Tarnac – pour bien comprendre son fonctionnement et ce qui se joue et se rejoue dans l’expérience sécuritaire. »