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Blues et féminisme noir dans L’Anticapitaliste

vendredi 26 janvier 2018 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Publié dans L’Anticapitaliste (16 janvier 2018).

À travers la vie et l’œuvre de trois femmes noires, chanteuses de blues et de jazz, Angela Davis nous propose de découvrir à la fois l’univers musical dans lequel elles se sont trouvé plongées mais aussi et surtout l’émergence d’un féminisme noir anticipant les grands combats féministes ultérieurs.

Si les discographes traditionnels du blues, généralement masculins, font plutôt la part belle aux hommes, Angela Davis nous fait partager le parcours des deux immenses " idoles " que furent Gertrude " Ma " Rainey et Bessie Smith. Des vies bousculées et bousculantes dans lesquelles les thèmes classiques du blues, la route et la misère sociale, se retrouvent au côté de la lutte politique et surtout de la libération sexuelle.

« Double langage » du blues
Écrits quelques décennies après la fin de l’esclavage, les textes des deux chanteuses finissent de briser les chaînes d’un système où privation de liberté et violence étaient le quotidien des hommes et des femmes. Elles s’acharnent à mettre en cause le statut de femmes au foyer en « prenant la route » et en affichant une liberté sexuelle qui ne manque pas de choquer, y compris dans la petite bourgeoisie noire. Les longs extraits de chansons permettent d’accéder au « double langage » du blues, où l’argot le dispute aux volontaires ambiguïtés des expressions.
L’évocation de la vie et de la carrière de Billie Holiday est l’occasion d’un autre décryptage. Une chanteuse entre blues et jazz dont la presse étalait le plus souvent les difficultés de la vie et dont les textes étaient moins systématiquement « sociaux ». Angela Davis décode un deuxième degré dans l’interprétation de Billie Holiday, qui ouvre plus logiquement sur le célébrissime Strange Fruit.
Au total, trois histoires de femmes qui donnent une belle place au féminisme noir sur la voie de la lutte pour la libération de toutes les femmes.
En prime, un CD de chansons de « Ma » Rainey et Bessie Smith. Si vous êtes en retard d’un cadeau de Noël…

Robert Pelletier