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Entretien avec Louis Janover. Acte II

dimanche 26 avril 2020 :: Permalien

« C’est en s’éloignant de cette spontanéité de la révolte que le surréalisme a perdu son esprit d’origine. » Entretien avec Louis Janover, volet 2.

Tu évoques Antonin Artaud. Quels textes de lui nous conseillerais-tu en priorité ? Et pourrais-tu revenir à la généalogie du surréalisme et aux grandes étapes de son histoire, en évoquant notamment le Manifeste pour un art révolutionnaire indépendant ? Considères-tu, d’une certaine façon comme Nadeau, que l’histoire du surréalisme s’arrête en 1939 ?

Commençons par énoncer les principes de base qui désormais se sont imposés au nom du surréalisme :
— Transformer l’art, le fondre à la révolution, voilà la parole qu’a fait entendre le surréalisme. Les artistes et écrivains ont expérimenté toutes les possibilités qui s’offraient au mouvement en transposant dans le domaine artistique, grâce à l’automatisme psychique érigé en méthode, l’exploration de tous les espaces que Freud a défrichés et qui une fois mis à jour et au jour ne dispensent plus guère de surprises. C’est l’intelligence de la vie intérieure dans son unité qui est en cause, l’idée que l’inconscient est un concept aussi peu clair que prêt à tout. La révolution est le mot de passe qui permet d’associer tous ces éléments de culture ;
— Aller jusqu’aux plus profondes profondeurs de la vie intérieure et de la révolte, a dit Artaud, car il parle de lui-même en faisant de l’écriture poétique le point de rupture qui entrouvre cet espace et en ébranle les fondements ;
— Au Second Manifeste du surréalisme, où l’ambition du surréalisme comme avant-garde s’expose au grand jour et au premier plan, et repousse les rivaux, le Grand Jeu notamment, répond À la grande nuit ou le bluff surréaliste, la seule ouverture qui permette de déceler un au-delà dans le surréalisme. C’est la raison pour laquelle, alors que Breton est surréaliste dans le premier Manifeste, Nadja ou les Entretiens, Artaud est surréaliste spontanément, dans les poèmes et écrits de jeunesse, L’Ombilic des limbes, Le Pèse-nerfs, Tric trac du ciel, sans avoir à rien nommer et sans intention de fixer les normes d’une avant-garde rivale du surréalisme.
— La « voie mi-libertaire mi-mystique », qui aurait été celle de l’auteur des Adresses surréalistes laisse en suspens le problème : qu’en eût-il été si le surréalisme avait su conserver la voie mi-politique, mi-poétique, la dimension éthique qui lui assurait cette fureur et cet élan unique sans lui imposer de direction ?
La critique qu’Artaud adresse aux surréalistes qui ont adhéré à la conception de la révolution, au « communisme », revient vers nous en un éclat, car l’idée même de révolution reste dans l’irrésolu, et pour cause, et cette irrésolution se pose dans les mêmes termes que ceux qu’expose À la grande nuit ou le bluff surréaliste (voir ci-dessous). « L’intérieur du surréalisme le conduit à la Révolution. C’est le fait positif. » Mais « ce ralliement au communisme », que certains d’entre eux ont refusé, qu’a-t-il donné à ceux qui l’ont fait leur ? Ce basculement vers « cette fausse vérité du réel immédiat », vers ces « bouleversements qui n’affecteraient que ce côté extérieur, immédiatement perceptible, de la réalité », qu’a-t-il apporté au surréalisme ? Et quand Artaud se place dans le débat d’alors du côté des « hommes libres », de « tous les révolutionnaires véritables qui pensent que la liberté individuelle est un bien supérieur à celui de n’importe quelle conquête obtenue sur un plan relatif », on peut penser qu’il n’est pas si loin de la position de Fondane. Et cette position, loin de rester sans résonance dans notre monde, rejoint tous les doutes et retraits en rapport avec la mise en cause d’un marxisme dont Rubel a montré le caractère réducteur. Si le marxisme-léninisme a instillé la contre-révolution dans le mouvement ouvrier, il n’a pas épargné la pensée et ceux qui en discutent tombent dans le même piège.
Toute l’aporie de l’avant-garde réside dans ce rapport, et la réponse d’Artaud conserve une intelligence et une force que l’on interroge rarement. Or, paradoxalement, c’est en s’éloignant de cette spontanéité de la révolte que le surréalisme a perdu son esprit d’origine, sans jamais retrouver le sens de cette unité. Changer la vie se réduira au principe : changer l’art en art surréaliste qui sera censé cristalliser toutes les formes de révolte, alors qu’il représentera le retour au monde inchangé de l’art. L’écart absolu a été progressivement ramené à un grand écart. Et le rapport au politique ne fera que creuser la distance en ouvrant les deux voies de l’avant-garde : transformer le monde/changer la vie, ces deux mots d’ordre s’additionnent mais ne se fondent pas.

La question concernant Nadeau établit des clivages incertains. Disons alors que je considère que, mesurée à l’aune de la révolution surréaliste, l’histoire du surréalisme tel qu’en lui-même commence vraiment en 1939. La guerre va faire tabula rasa des irrésolutions et des obstacles. Tous les éléments sont désormais en place, à leur place. L’après-guerre marque la victoire du surréalisme, la victoire de l’art surréaliste, la défaite de la révolution surréaliste, car désormais la logique s’inverse et réintroduit la césure changer la vie/transformer le monde. Ces mots d’ordre se trouvent séparés par l’histoire et ne se rejoignent plus, sauf de manière verbale, comme incantation. Le PC est désormais le mouvement politique dominant dans le domaine intellectuel, mais son hégémonie ne s’étend nullement à la sphère artistique. C’est là que le surréalisme prend position, en participant à une transformation culturelle irrésistible après le nettoyage opéré à la Libération dans les milieux intellectuels qui, même soumis au diktat politique du Parti, conservent leur perspective littéraire et artistique dissidente. Les compagnons de route s’écartent quand un autre chemin garni de fleurs s’ouvre sur leurs pas. L’intelligentsia se recompose, elle en est aux balbutiements, mais il faut justement y voir la raison pour laquelle ses revendications se révèlent explosives : elle commence son œuvre de recherche idéologique dans tous les éléments à sa portée, et s’en prend par priorité à la morale héritée de l’avant-guerre. Dans ce domaine, le surréalisme est le point de cristallisation des revendications qui rassemblent toute la mouvance artistique libérée du carcan de l’ordre moral.
De ce point de vue, le Manifeste pour un art révolutionnaire indépendant ne modifie en rien, et dans son expression même, les données du problème tel qu’il s’est posé lors du Congrès des écrivains de 1935. S’ajouteront les discussions sur Trotski, qui se rattache à l’histoire du bolchevisme, et circonscrit le cercle de la réflexion sur Octobre et la révolution, sans oublier Kronstadt. Pour le reste, preuve encore que tout bouge pour donner le change, les deux « mots d’ordre » restent dans un double rapport et consacrent en fait l’espace de liberté que le surréalisme s’apprête à investir. Le groupe surréaliste n’a plus de barrière, l’espace s’ouvre devant lui de manière quasi spontanée, le monde change avec la vie. Le PC fossilisé dans son carcan bureaucratique, la culture artistique ne tient même plus compte d’un réalisme social totalement dépassé. Le surréalisme a gagné la partie sans plus avoir à combattre, son domaine a été creusé dans l’avant-guerre, et il s’installe naturellement dans son domaine réservé.
C’est à cet endroit qu’il nous faut rejoindre une autre logique, celle qu’Artaud avait fait apparaître, et l’on peut voir que toute sa pensée, irréductiblement hostile à cette « fausse vérité du réel immédiat » qui toujours oscille entre le mensonge et la vérité, choisit une autre voie, à rebours de « l’inutilité profonde de n’importe quelle action spontanée ou non spontanée. C’est le point de vue du pessimisme intégral. Mais une certaine forme de pessimisme porte avec elle sa lucidité. La lucidité du désespoir, des sens exacerbés et comme à la lisière des abîmes. Et à côté de l’horrible relativité de n’importe quelle action humaine cette spontanéité inconsciente qui pousse malgré tout à l’action » (Artaud).
Pierre Naville nous a porté également, mais par une autre voie, vers cette position radicale. L’échec y apparaît comme « forme subjective pure de la contestation de ce qui réussit », et la « valeur subjective de l’homme » comme forme privilégiée de la résistance « au cours objectif et triomphant des choses ». Grâce à ce refus, tous ceux qui entrecroisent leur critique finissent par créer un milieu social propre : « une société de réfractaires ». Cette réflexion sur l’échec guidera nombre de penseurs que rien ne semblerait unir, et qui feront resurgir la « fausse vérité » d’un réel immédiat, « fausse vérité » d’un mouvement dominé par une théorie qui a dénié à l’éthique et à l’utopie leur place dans l’histoire de la révolution. De ce point de vue, et cette dialectique nous éclaire sur ce qu’il en est aujourd’hui de cette histoire, sur la victoire du surréalisme et son échec, et sur la manière de l’aborder. Reste à savoir à quel endroit reprendre le fil du Manifeste abandonné par les surréalistes pour qu’apparaissent de nouvelles convergences et les formes inédites de rupture.

Louis Janover

Antonin Artaud.

À la grande nuit ou le bluff surréaliste (1927)

Que les surréalistes m’aient chassé ou que je me sois mis moi-même à la porte de leurs grotesques simulacres, la question depuis longtemps n’est pas là. C’est parce que j’ai eu assez d’une mascarade qui n’avait que trop duré que je me suis retiré de là-dedans, bien certain d’ailleurs que dans le cadre nouveau qu’ils s’étaient choisi pas plus que dans nul autre les surréalistes ne feraient rien. Et le temps et les faits n’ont pas manqué de me donner raison. 
Que le surréalisme s’accorde avec la Révolution ou que la Révolution doive se faire en dehors et au-dessus de l’aventure surréaliste, on se demande ce que cela peut bien faire au monde quand on pense au peu d’influence que les surréalistes sont parvenus à gagner sur les mœurs et les idées de ce temps.
Y a-t-il d’ailleurs encore une aventure surréaliste et le surréalisme n’est-il pas mort du jour où Breton et ses adeptes ont cru devoir se rallier au communisme et chercher dans le domaine des faits et de la matière immédiate, l’aboutissement d’une action qui ne pouvait normalement se dérouler que dans les cadres intimes du cerveau. 
Ils croient pouvoir se permettre de me railler quand je parle d’une métamorphose des conditions intérieures de l’âme, comme si j’entendais l’âme au sens infect sous lequel eux-mêmes l’entendent et comme si du point de vue de l’absolu il pouvait être du moindre intérêt de voir changer l’armature sociale du monde ou de voir passer le pouvoir des mains de la bourgeoisie dans celles du prolétariat.
Si encore les surréalistes cherchaient réellement cela, ils seraient au moins excusables. Leur but serait banal et restreint mais enfin il existerait. Mais ont-ils le moindre but vers lequel lancer une action et quand ont-ils été foutus d’en formuler un ?
Travaille-t-on d’ailleurs dans un but ? Travaille-t-on avec des mobiles ? Les surréalistes croient-ils pouvoir justifier leur expectative par le simple fait de la conscience qu’ils en ont ? L’expectative n’est pas un état d’esprit. Quand on ne fait rien on ne risque pas de se casser la figure. Mais ce n’est pas une raison suffisante pour faire parler de soi.
Je méprise trop la vie pour penser qu’un changement quel qu’il soit qui se développerait dans le cadre des apparences puisse rien changer à ma détestable condition. Ce qui me sépare des surréalistes c’est qu’ils aiment autant la vie que je la méprise. Jouir dans toutes les occasions et par tous les pores, voilà le centre de leurs obsessions. Mais l’ascétisme ne fait-il pas corps avec la véritable magie, même la plus sale, même la plus noire. Le jouisseur diabolique lui-même a des côtés d’ascète, un certain esprit de macération.
Je ne parle pas de leurs écrits qui eux sont resplendissants quoique vains du point de vue auquel ils se placent. Je parle de leur attitude centrale, de l’exemple de toute leur vie. Je n’ai pas de haine individuelle. Je les repousse et les condamne en bloc, rendant à chacun d’entre eux toute l’estime et même toute l’admiration qu’ils méritent pour leurs œuvres ou pour leur esprit. En tout cas et à ce point de vue je n’aurai pas comme eux l’enfantillage de faire volte-face à leur sujet, et de leur dénier tout talent du moment qu’ils ont cessé d’être mes amis. Mais il ne s’agit pas heureusement de cela. 
Il s’agit de ce décalage du centre spirituel du monde, de ce dénivellement des apparences, de cette transfiguration du possible que le surréalisme devait contribuer à provoquer. Toute matière commence par un dérangement spirituel. S’en remettre aux choses, à leurs transformations, du soin de nous conduire, est un point de vue de brute obscène, de profiteur de la réalité. Personne n’a jamais rien compris et les surréalistes eux-mêmes ne comprennent pas et ne peuvent pas prévoir où leur volonté de Révolution les mènera. Incapables d’imaginer, de se représenter une Révolution qui n’évoluerait pas dans les cadres désespérants de la matière, ils s’en remettent à la fatalité, à un certain hasard de débilité et d’impuissance qui leur est propre, du soin d’expliquer leur inertie, leur éternelle stérilité.
Le surréalisme n’a jamais été pour moi qu’une nouvelle sorte de magie. L’imagination, le rêve, toute cette intense libération de l’inconscient qui a pour but de faire affleurer à la surface de l’âme ce qu’elle a l’habitude de tenir caché doit nécessairement introduire de profondes transformations dans l’échelle des apparences, dans la valeur de signification et le symbolisme du créé. Le concret tout entier change de vêture, d’écorce, ne s’applique plus aux mêmes gestes mentaux. L’au-delà, l’invisible repoussent la réalité. Le monde ne tient plus.
C’est alors qu’on peut commencer à cribler les fantômes, à arrêter les faux semblants. Que la muraille épaisse de l’occulte s’écroule une fois pour toutes sur tous ces impuissants bavards qui consument leur vie en objurgations et en vaines menaces, sur ces révolutionnaires qui ne révolutionnent rien.
Ces brutes qui me convient à me convertir. J’en aurais certes bien besoin. Mais au moins je me reconnais infirme et sale. J’aspire après une autre vie. Et tout bien compté je préfère être à ma place qu’à la leur. Que reste-t-il de l’aventure surréaliste ? Peu de choses si ce n’est un grand espoir déçu, mais dans le domaine de la littérature elle-même peut-être ont-ils en effet apporté quelque chose. Cette colère, ce dégoût brûlant versé sur la chose écrite constitue une attitude féconde et qui servira peut-être un jour, plus tard. La littérature s’en trouve purifiée, rapprochée de la vérité essentielle du cerveau. Mais c’est tout. De conquêtes positives, en marge de la littérature, des images, il n’y en a pas et c’était pourtant le seul fait qui importe. De la bonne utilisation des rêves pouvait naître une nouvelle manière de conduire sa pensée, de se tenir au milieu des apparences. La vérité psychologique était dépouillée de toute excroissance parasitaire, inutile, serrée de beaucoup plus près. On vivait alors à coup sûr, mais c’est peut-être une loi de l’esprit que l’abandon de la réalité ne puisse jamais conduire qu’aux fantômes. Dans le cadre exigu de notre domaine palpable nous sommes pressés, sollicités de toute part. On l’a bien vu dans cette aberration qui a conduit des révolutionnaires sur le plan le plus haut possible, à abandonner littéralement ce plan, à attacher à ce mot de révolution son sens utilitaire pratique, le sens social dont on prétend qu’il est le seul valable, car on ne veut pas se payer de mots. Étrange retour sur soi-même, étrange nivellement.
Mettre en avant une simple attitude morale, croit-on que cela puisse suffire si cette attitude est toute marquée d’inertie ? L’intérieur du surréalisme le conduit jusqu’à la Révolution. C’est cela le fait positif. La seule solution efficace possible (qu’ils disent) et à laquelle un grand nombre de surréalistes ont refusé de se rallier ; mais, les autres, ce ralliement au communisme, que leur a-t-il donné, que leur a-t-il fait rendre ? Il ne les a pas fait avancer d’un pas. Cette morale du devenir de quoi relèverait paraît-il la Révolution, jamais je n’en ai senti la nécessité dans le cercle fermé de ma personne. Je place au-dessus de toute nécessité réelle les exigences logiques de ma propre réalité. C’est cela la seule logique qui me paraît valable et non telle logique supérieure dont les irradiations ne m’affectent qu’autant qu’elles touchent ma sensibilité. Il n’y a pas de discipline à laquelle je me sente forcé de me soumettre quelque rigoureux que soit le raisonnement qui m’entraîne à m’y rallier. Deux ou trois principes de mort et de vie sont pour moi au-dessus de toute soumission précaire. Et n’importe quelle logique ne m’a jamais paru qu’empruntée.

Le surréalisme est mort du sectarisme imbécile de ses adeptes. Ce qu’il en reste est une sorte d’amas hybride sur lequel les surréalistes eux-mêmes sont incapables de mettre un nom. Perpétuellement à la lisière des apparences, inapte à prendre pied dans la vie, le surréalisme en est encore à chercher son issue, à piétiner sur ses propres traces. Impuissant à choisir, à se déterminer soit en totalité pour le mensonge, soit en totalité pour la vérité (vrai mensonge du spirituel illusoire, fausse vérité du réel immédiat, mais destructible), le surréalisme pourchasse cet insondable, cet indéfinissable interstice de la réalité où appuyer son levier jadis puissant, aujourd’hui tombé en des mains de châtrés. Mais ma débilité mentale, ma lâcheté bien connues se refusent à trouver le moindre intérêt à des bouleversements qui n’affecteraient que ce côté extérieur, immédiatement perceptible, de la réalité. La métamorphose extérieure est une chose à mon sens qui ne peut être donnée que par surcroît. Le plan social, le plan matériel vers lequel les surréalistes dirigent leurs pauvres velléités d’action, leurs haines à tout jamais virtuelles n’est pour mou qu’une représentation inutile et sous-entendue.
Je sais que dans le débat actuel j’ai avec moi tous les hommes libres, tous les révolutionnaires véritables qui pensent que la liberté individuelle est un bien supérieur à celui de n’importe quelle conquête obtenue sur le plan relatif.
Mes scrupules en face de toute action réelle ? Ces scrupules sont absolus et ils sont de deux sortes. Ils visent, absolument parlant, ce sens enraciné de l’inutilité profonde de n’importe quelle action spontanée ou non spontanée. C’est le point de vue du pessimisme intégral. Mais une certaine forme de pessimisme porte avec elle sa lucidité. La lucidité du désespoir, des sens exacerbés et comme à la lisière des abîmes. Et à côté de l’horrible relativité de n’importe quelle action humaine cette spontanéité inconscient qui pousse malgré tout à l’action.
Et aussi dans le domaine équivoque, insondable de l’inconscient, des signaux, des perspectives, des aperçus, toute une vie qui grandit quand on la fixe et se révèle capable de troubler encore l’esprit.
Voici donc nos communs scrupules. Mais chez eux ils se sont résolus au profit semble-t-il de l’action. Mais une fois reconnue la nécessité de cette action, ils s’empressent de s’en déclarer incapables. C’est un domaine dont la configuration de leur esprit les éloigne à tout jamais. Et moi en ce qui me concerne ai-je jamais dit autre chose ? Avec en ma faveur tout de même des circonstances psychologiques et physiologiques désespérément anormales et dont, eux, ne sauraient se prévaloir.


Antonin Artaud