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samedi 7 mars 2020 :: Permalien
Paru sur le site Ballast (28 février 2020).
Quatre articles se trouvent là réunis. Tous ont été écrits l’année 1936 par la philosophe Simone Weil, alors employée d’usine. Le Front populaire – qui compte en ses rangs la SFIO, le Parti radical et le PC — gagne les élections au mois de mai ; des grèves éclatent aussitôt. Au Havre, d’abord. Puis à Toulouse et Courbevoie. Bientôt, ce sont deux millions de grévistes que l’on dénombre dans les rues et les lieux de travail de France. L’euphorie est populaire ; le patronat claque des dents. « Enfin, on respire ! », clame Weil. D’ordinaire, on baisse la tête, on ne pipe mot. On compte les pièces, docile ; on ne sait plus bien ce qui, de l’angoisse ou de la faim, creuse ainsi le ventre. « On est au monde pour obéir et se taire. » Pour compter chaque sou, un à un, si durement conquis. « Jamais on ne se détend. » Il faut produire, voilà tout. Produire et la boucler, produire et encaisser. « Cela, chaque ouvrier le sait. » Et puis voilà la grève. Et avec elle les têtes qui se relèvent. L’humanité qui se révèle. « Indépendamment des revendications, cette grève en elle-même est une joie. » Le froid métal cède place à la fierté, l’esclavage quotidien voit son empire soudain s’effriter. « Pour la première fois, les ouvriers se sont sentis chez eux dans ces usines où jusque-là tout leur rappelait tout le temps qu’ils étaient chez autrui. » Alors oui, il faudra reprendre le travail. Les accords Matignon seront signés en juin entre la CGT et la direction capitaliste. Il n’empêche. Le travailleur a connu ce qu’il n’oubliera pas ; restera, un jour, à arracher aux puissants le contrôle ouvrier du travail.
E.C.