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La Croisade de Robert Ménard dans Le Canard enchaîné

jeudi 11 novembre 2021 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Publié dans Le Canard enchaîné, le 10 novembre 2021.

Le ravi de la crèche

Chaque année il refait le coup de la crèche. En décembre il en fait installer une à l’hôtel de ville de Béziers, dont il est le maire depuis 2014. Infraction à la loi de séparation des Églises et de l’État de 1905, ce qui vaut à la municipalité des condamnations à répétition, mais qu’importe ! Obstinément, avec méthode et détermination, Robert Ménard mène croisade. Pour la chrétienté, vue comme la matrice de la France. Contre la laïcité à la française. Pour le retour d’une vision coloniale qu’il plaque d’autorité sur la société française actuelle.
Ce faisant, il se voit comme un « résistant ». Sa bonne ville n’est-elle pas résistante, elle aussi ? Elle s’est toujours rebellée contre le pouvoir central et parisien. Elle a vu naître Jean Moulin. Et Jean Jaurès. Béziers résiste. Et Ménard est son prophète. Il oublie juste, rappelle l’enseignant et historien Richard Vassakos, que « dès 1870 les maires de Béziers furent de fervents anticléricaux et façonnèrent la ville et ses traditions en ce sens ». Ils résistaient bel et bien, mais contre l’Église et son emprise écrasante.
Il n’y a pas que la crèche. Pour Ménard et son incessante opération de propagande d’extrême droite, ici décortiquée par le menu, tout fait ventre. Des rues baptisées en l’honneur des victimes du terrorisme (le colonel Beltrame, le 13-Novembre, mais ni Charb ni Cabu). Un livre sur Béziers commandé à Renaud Camus, l’inventeur du « grand remplacement ». Un slogan clin d’œil (« Béziers la sudiste »). L’enrôlement de Jean Moulin sous sa bannière identitaire, comme si celui-ci n’avait pas été antifasciste et favorable au Front populaire. Et celui de Jean Jaurès, comme si ce dernier n’avait pas toujours combattu l’extrême droite, laquelle a fini par l’assassiner.
Simplifier, caricaturer, déformer, instrumentaliser, manipuler, récrire le passé pour marteler, répéter, ressasser que la France éternelle et irréprochable vit un présent apocalyptique, et que demain sera pire si elle n’arrête pas l’« immigration de remplacement ». Du pur Zemmour… Lequel est d’ailleurs venu à Béziers en octobre, une fois de plus, invité par son ami Robert à y tenir meeting.
Tout baigne ? Chantre de l’union des extrêmes droites, Ménard voudrait que Marine finisse par faire amie-amie avec Éric. Lequel affiche son mépris pour la fille du démagogue en chef. Ces « bons Français d’abord » ne sont jamais d’accord…

Jean-Luc Porquet