Le blog des éditions Libertalia

Les Pirates des Lumières dans L’Humanité

jeudi 2 avril 2020 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Paru dans L’Humanité, 26 mars 2020.

Comme l’explique David Graeber dans la préface consacrée à la traduction française de son ouvrage, l’occasion de publier « la véritable histoire » de l’utopie pirate de Libertalia chez Libertalia était trop belle. Belle aussi l’initiative de l’éditeur d’accueillir en son repère de flibuste littéraire et historique l’ouvrage de l’anthropologue et historien américain connu notamment pour son engagement dans le mouvement Occupy Wall Street. « Je vais vous raconter une histoire de magie et de mensonges, de batailles navales et de princesses enlevées, de révoltes d’esclaves et de chasses à l’homme, de royaumes de pacotille, d’ambassadeurs imposteurs, d’espions et de voleurs de joyaux, d’empoisonneurs et de sectateurs du diable et d’obsession sexuelle, toutes choses qui participent des origines de la liberté moderne », explique l’anthropologue américain pastichant le style des romans de piraterie.
Autre dépaysement, le lecteur est conduit à se défaire de certaines idées toutes faites sur les origines de la démocratie moderne l’attachant au nom des « grands auteurs » ainsi qu’à celui des seuls cercles de la bourgeoisie éclairée du XVIIIe siècle. C’est la thèse centrale de Graeber. Entre imagination et réalité, c’est dans les marges des communautés pirates de Madagascar que certaines des idées politiques les plus radicales des Lumières ont pris leur essor, idées qui éclairent encore aujourd’hui le chemin de l’émancipation humaine.
Celles-ci apparaissent à l’arrière-plan de l’histoire de la communauté des Zana-Malata, descendants de groupes de pirates et de populations autochtones installés sur la côte nord-est de la grande île de l’océan Indien située au large de l’Afrique, l’écho de cette expérience historique se retrouvant dans les chroniques de l’époque.
Une histoire des idées démocratiques modernes « par en bas » donc, soulignant la dialectique sociale et culturelle qui les engendre dans l’interaction d’idées et de traditions à la fois européennes et malgaches, au féminin et au masculin, dans le contexte du bouleversement historique de la fin du XVIIe et du début du XVIIIe siècle.

Jérôme Skalski