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> Une belle grève de femmes dans L’Humanité magazine
jeudi 17 août 2023 :: Permalien
Publié dans L’Humanité magazine du 20 juillet 2023
Anne Crignon livre un récit captivant sur la grève des ouvrières des conserveries de sardines, à Douarnenez, en 1924.
On les appelait les Penn Sardin. Dès l’enfance, les filles de la région de Douarnenez étaient envoyées à l’usine, où elles travaillaient jour et nuit pour mettre en boîte les poissons. Le 21 novembre 1924, après une humiliation de trop, les « filles d’usine » se sont mises en grève. D’abord chez Carnaud, « un groupe puissant à l’échelle nationale avec des succursales tout le long de la côte ». Soutenu par le maire de Douarnenez, le communiste Daniel Le Flanchec, le mouvement va s’étendre aux autres usines. Dehors, les femmes défilent avec le drapeau rouge et chantent leur slogan : « Pemp real a vo » (nous voulons 25 sous de plus).
Contre toute attente, alors que l’extrême pauvreté aurait dû les contraindre à reprendre le travail, les sardinières ont tenu bon. Malgré la riposte des patrons, qui font envoyer des mercenaires armés de Paris. Tandis que la presse de droite minimise la répression, l’Humanité titre : « À Douarnenez : première flaque de sang fasciste. » Le 6 janvier 1925, les ouvrières obtiendront l’application de la loi de huit heures, une majoration du travail de nuit et le paiement des heures supplémentaires. Journaliste à L’Obs et à Siné Mensuel, Anne Crignon a enquêté pendant deux ans. S’appuyant sur le livre homonyme de Lucie Colliard, paru en 1925 à la Librairie de l’Humanité, et sur les témoignages recueillis dans les années 1990 par l’écrivaine Anne-Denes Martin, elle reconstitue la grève et son contexte : la misère, le travail des enfants, le mépris des patrons, mais aussi l’émergence de personnalités comme Joséphine Pencalet, conseillère municipale communiste et première femme élue dans l’histoire de la Bretagne. Un récit captivant, très bien écrit, qui rappelle que les luttes peuvent être victorieuses.
Sophie Joubert