Éditions Libertalia
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> Manuel du guérillero urbain
Il y a quarante ans, en juin 1969, le militant communiste brésilien Carlos Marighela rédigea le Manuel du guérillero urbain. Convaincu que seule l’action armée pourrait mettre fin à la dictature militaire au pouvoir depuis le coup d’État de 1964, il livra dans cet opuscule nombre de conseils pratiques à l’attention des ouvriers et étudiants révolutionnaires de son pays. Abattu en novembre 1969, il a payé de sa vie son engagement dans la guérilla urbaine.
Ce texte est un document politique important. Il contredit la théorie du foco, donc du foyer révolutionnaire en milieu rural, conceptualisée par Che Guevara et Régis Debray. Il illustre une certaine vision de la période post-68 et s’inscrit dans un contexte particulier : celui de la radicalisation de certaines franges de la gauche à l’heure de la dénonciation de l’impérialisme et des luttes tiers-mondistes, celui des "années de plomb" et de la lutte armée en Italie, en Allemagne, en Irlande, mais aussi au Proche-Orient et en Amérique du Sud.
Interdit par le ministre de l’Intérieur Raymond Marcellin lors de sa première publication en France sous le titre Pour la libération du Brésil, il fut immédiatement réédité par un collectif de 23 éditeurs (Flammarion, Robert Laffont, Minuit, Maspero, Gallimard, Grasset, etc.).
Dans une longue préface, le sociologue Mathieu Rigouste (auteur de L’Ennemi intérieur, La Découverte, 2009) démontre que le texte a eu une circulation paradoxale : il a en effet inspiré les théoriciens de la contre-guérilla à l’initiative du plan Condor. L’histoire éditoriale saisissante de cet ouvrage est développée en postface.
« Toute personne hostile à la dictature militaire et désireuse de la combattre peut faire quelque chose, pour modeste que soit son action. Ceux qui, après avoir lu ce manuel, auront conclu qu’ils ne peuvent rester passifs, je les invite à suivre les instructions que je propose et à s’engager tout de suite dans la lutte. Car en toute hypothèse et dans toutes les circonstances, le devoir du révolutionnaire est de faire la révolution. »
– Le Monde diplomatique, septembre 2009.
« Être appelé “agresseur” ou “terroriste” dans le Brésil d’aujourd’hui honore le citoyen, puisque cela signifie qu’il lutte, les armes à la main, contre la monstruosité et l’abjection que représente l’actuelle dictature militaire. » Dans ce texte explicitement conçu pour la situation brésilienne, mais interdit dans la plupart des pays — dont la France— où il fut publié entre 1969 et 1970, le communiste brésilien Carlos Marighela lègue ce qu’il a compris de la révolution et de la contre-révolution : « Une concurrence pour s’approprier la population. » Appelant à la lutte armée, en explicitant les méthodes (en termes d’ailleurs très généraux, quand on le lit avec le recul), il parie sur le processus d’autoengendrement « action-répression », supposé favoriser la complicité « entre le peuple et les guérilleros ». Ce sera un pari perdu. En revanche, explique Mathieu Rigouste dans sa préface, il a été pris très au sérieux par l’internationale de la terreur qui l’a utilisé pour mettre au point ses techniques de contre-insurrection : « De nombreuses archives de l’Ecole supérieure de guerre brésilienne parlent du livre comme du “texte de base” employé par les subversifs. » Payant au prix fort son engagement, Marighela fut capturé et exécuté le 4 novembre 1969. Maurice Lemoine.
– Le Matricule des Anges, juillet-août 2009.
Le grand mérite de cette réédition, grâce à la préface très informée de Mathieu Rigouste, c’est de mettre l’accent sur la fortune paradoxale du texte […]. Le modèle de contre-insurrection français, né en Algérie et réhabilité depuis les années 90, semble durablement fasciné par des pratiques (guerre des nerfs, assassinat ciblé, attentats) qu’il s’approprie. GM.
Préface : Mathieu Rigouste
Postface de l’éditeur
Traduction : Conrad Detrez
Collection À boulets rouges
160 pages - 7 euros
Parution : 15/05/09