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vendredi 18 mai 2018 :: Permalien
Dans Le Monde diplomatique, mai 2018.
La chanson noire des années 1920-1930 fut populaire et féministe : le blues, chanté par des femmes américaines noires et pauvres. Angela Davis a exploré les textes de trois voix puissantes : Gertrude « Ma » Rainey, Bessie Smith, « l’Impératrice du blues », et Billie Holiday. Leurs chansons tournent en ridicule le mariage, mettent en scène des épouses trompées, mais presque jamais des mères de famille. Étonnamment, le « blues du coquard » donne « une représentation comique de la question des violences conjugales ». Des femmes chantent le voyage, la liberté de mouvement après des décennies d’esclavage ; elles sont des amantes dont les « daddies » trimardent dans chaque région des États-Unis. Elles chantent le Sud, celui des « neuf de Scottsboro », de jeunes hommes condamnés à mort de façon expéditive en 1931 pour des viols qui n’avaient pas eu lieu. La filiation s’impose jusqu’au mouvement Black Lives Matter (« Les vies des Noirs comptent »), en 2013… Angela Davis revient sur les paroles de Bessie Smith et de Billie Holiday, qui évoquent l’une l’eau boueuse du Mississippi (Muddy Water, 1927) et l’autre ces grands arbres où pendent « d’étranges fruits » : les Noirs lynchés (Strange Fruit, 1939). Un CD de dix-huit titres complète cette étude du féminisme noir.
Christophe Goby