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Clément Méric. Une vie, des luttes dans Libération

samedi 3 juin 2023 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Publié dans Libération du 3 juin 2023.

Dix ans de la mort de Clément Méric :
un livre pour penser les plaies

Dans un livre touchant et politique, entre portrait, enquête et archives, les proches de Clément Méric racontent celui qu’ils ont perdu, « martyr qui n’a pas donné sa vie mais à qui on l’a volée ».

« En regardant mon affiche pour le débat sur les crimes racistes et sécuritaires, et l’en-tête – il y a vingt-six ans, Malik Oussekine –, je trouvais qu’il y avait une certaine hypocrisie à commémorer des meurtres comme celui de Malik Oussekine juste à cause des circonstances, alors que la plupart des morts ne nous font ni chaud ni froid, enfin, qu’on fasse semblant de regretter la personne lors des commémorations alors qu’on ne s’intéresse qu’aux causes, à juste titre. » La phrase est de Clément Méric. C’était il y a dix ans ; quelques jours avant sa mort. Aujourd’hui, un livre tout entier lui est consacré. Clément Méric : une vie, des luttes (éditions Libertalia). Un travail collectif. Les siens au sens large (familles, camarades de luttes, potes, anciens profs, voisins, etc.) prennent le temps de le décrire. Chacun à sa manière. On retombe à chaque fois sur le même gars, une tête dure « sensible à l’exigence ».
Clément Méric : une vie, des luttes mêle le portrait, l’enquête et les archives. Il revient sur ce foutu 5 juin 2013, le jour de son agression, en racontant les crânes rasés racistes, la violence, l’absurde, la folie, le choc et la lâcheté. Les auteurs n’oublient pas les lendemains. Comment vivre et lutter après la mort ? Un de ses potes répond : « Ce n’est pas normal de perdre un pote à 20 ans, mais en plus, très vite on est dépossédés du deuil, y compris par des gens qui pensent bien faire, des camarades. C’est compliqué de porter un regard politique assez distancié sur un truc qui nous regarde aussi directement. Quand je repense à la cérémonie, aux manifs à Brest, je me dis qu’on avait quand même réussi à faire des choses qui avaient de la gueule. Le deuil, c’est toujours compliqué, mais il y avait une espèce d’équilibre entre l’intime et le politique. »
Clément Méric a grandi en Bretagne, à Brest. Il vivait avec ses parents près de la place Guérin, un haut lieu de la gauche alternative. Il rôdait dans un bar autogéré où se réunissaient des jeunes libertaires. « Il a trouvé là un modèle radical et exigeant. Ces militants dénonçaient toutes formes de discriminations et de dominations. Surtout, ils vivaient en conformité avec leur idéal d’une société plus solidaire, plus juste, plus frugale, privilégiant les échanges non marchands », écrivent ses parents.
On le voit évoluer au fil des pages. Son adhésion à la CNT, sa musique, sa méningite aiguë qui lui mène la vie dure, son arrivée à Sciences-Po Paris et ses combats. Ses parents poursuivent un peu plus sur lui : « Clément avait 18 ans lorsqu’il a été tué, il mesurait 1 mètre 80 et pesait 66 kilos, un gabarit somme toute moyen. »
Ce livre replace sous la lumière un jeune gars qui manque aux siens : il permet également de pointer du doigt la dangerosité d’un ennemi fasciste qui grapille chaque jour du terrain. Un ouvrage touchant et politique. Les auteurs précisent au début du livre : « Dans ériger de culte à un héros qui n’en était pas un, à un martyr qui n’a pas donné sa vie mais à qui on l’a volée, nous devons évoquer ce que la mémoire de Clément peut apporter, parce que les luttes continuent. »

Rachid Laïreche