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Fachorama dans Le Monde

vendredi 5 décembre 2025 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Publié dans Le Monde, le 4 décembre 2025.

Quand une polémique et une plainte du ministère de l’intérieur dopent les commandes du jeu Fachorama

Ce jeu, lancé par la maison d’édition Libertalia, a été vivement critiqué par le syndicat Alliance, qui dénonce une « insulte » contre la police, l’un des personnages étant un « flic raciste de la BAC ».  

Il aura fallu trois semaines au syndicat de policiers Alliance pour dénoncer une « insulte lancée contre nos collègues – caricatures, amalgame, haine », mais quelques heures seulement au ministre de l’intérieur, Laurent Nuñez, pour lui emboîter le pas et porter plainte.
L’objet de la colère de l’organisation professionnelle des policiers et de la vindicte judiciaire de la Place Beauvau ? Un rectangle de carton plastifié de 12 centimètres sur 8 centimètres tiré d’un jeu des sept familles, coédité le 7 novembre par la maison d’édition Libertalia et le « collectif antifasciste » La Horde.

Cette carte montre le dessin d’un homme exhibant sa plaque de policier, un pistolet glissé à la ceinture et un tee-shirt frappé de la tête de mort stylisée du Punisher, l’antihéros d’une bande dessinée américaine habité par la violence. Dans les familles « On est chez nous » et « Coup de poing », c’est le « flic raciste de la BAC », l’un des personnages du jeu, parmi d’autres figures comme la « fémonationaliste », qui « défend le système patriarcal » tout en « s’affirmant féministe », le « skinhead » ou l’« intégriste anti-avortement ». Les sept familles sont présentées comme les parangons de divers courants de l’extrême droite, des « C’était mieux avant », composés de « réactionnaires [qui] pleurent un “âge d’or” où chacun (et surtout chacune) restait à sa place »  aux « Ils sont partout »« obsédé.es par les complots et la subversion intérieure ».
Un jeu militant ? Assurément. Humoristique ? En la matière, les avis ne manqueront pas de diverger. Dangereux ? Sauf à les lester d’un parpaing, les cartes de Fachorama sont aussi inoffensives que les lames d’un paquet de tarot. « C’est un jeu parodique, surtout, avec un aspect pédagogique sur les courants d’extrême droite », avance Nicolas Norrito, fondateur et animateur de Libertalia, dont le numéro de téléphone et la messagerie Internet sont saturés d’insultes et de menaces depuis le début de la polémique, mardi soir.

Réimpression en cours

Pour le ministre de l’Intérieur, aiguillonné par un puissant syndicat de policiers, pas question pour autant de laisser passer la plaisanterie. Une plainte a donc été déposée, mercredi 3 décembre, comme l’a révélé Europe 1 et l’a confirmé au Monde le cabinet du ministre de l’intérieur, jeudi 4 décembre. Un nouvel épisode judiciaire, trois semaines après la plainte portée contre l’humoriste Pierre-Emmanuel Barré, à la suite d’une chronique dans laquelle la police avait été comparée à l’organisation État islamique sur les ondes de Radio Nova. Autant d’initiatives qui ne devraient pas contribuer à résorber le stock de procédures en souffrance, l’un des chantiers prioritaires annoncés par M. Nuñez devant l’Assemblée nationale, le 21 octobre, au sujet duquel il n’hésitait pas à déclarer : « Il faut qu’on mette le paquet. »

Ceux de Fachorama se trouvent en rupture de stock, victimes d’un succès qui avait déjà bénéficié au jeu Antifa, commercialisé par les mêmes éditeurs, après son bref retrait de la vente par la Fnac en 2022. La maison d’édition indépendante se souvient d’une expérience « très compliquée à gérer » malgré le succès. A l’époque, la petite équipe de six personnes avait dû travailler d’arrache-pied entre la fin 2022 et le printemps 2023 pour servir toutes les commandes qui avaient afflué après la polémique d’ampleur nationale.

Aussi, cette fois, M. Norrito a-t-il décidé de bloquer les ventes sur le site Internet de Libertalia. « Par solidarité », et grâce au coup de projecteur sur l’activité de la maison d’édition, les commandes ont afflué à raison d’une toutes les 10 secondes mardi soir, et ont atteint un pic de 186 pour la seule journée de mercredi, avec des « SMS de libraires qui continuent de demander le jeu ». Trois cents exemplaires à peine ont été rapatriés in extremis pour être vendus directement à la librairie de Montreuil (Seine-Saint-Denis), l’une des deux librairies gérées par la maison d’édition.
La « réimpression » de Fachorama, dont un premier tirage de 8 000 exemplaires était déjà pratiquement épuisé avant même le début de la controverse, « est en cours, (…) mais ne sera livrée qu’en janvier », prévient un message en page d’accueil du site de l’éditeur, qui « ne court pas après l’argent, ne reçoit pas de subventions et n’en demande pas », mais se félicite cependant d’« une visibilité bienvenue avant la période de Noël ».
Grâce à une régie publicitaire gratuite, établie Place Beauvau.

Antoine Albertini