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Le Roi Arthur, sur le site Temps présents

jeudi 10 novembre 2016 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Usages du roi Arthur, sur le site « Temps présents ». Publié le 6 novembre 2016.

William Blanc nous offre avec Le Roi Arthur, un mythe contemporain (Paris, Libertalia, 2016) un ouvrage fort intéressant et surtout fort complet des usages savants et populaires du mythe arthurien depuis l’époque médiévale. Pour ce faire, son ouvrage adopte un plan chrono-thématique très pratique, qui rend la lecture aisée. Préfacé par le médiéviste Jean-Clément Martin, il est décomposé en onze chapitres (« Arthur, du Moyen âge à l’Angleterre victorienne » ; « Mille et un Yankees à la cour du roi Arthur » ; « La chevalerie arthurienne américaine » ; « Camelot et les années Kennedy, l’avènement du roi démocratique » ; « La bataille d’Angleterre. À la recherche de l’Arthur historique » ; « Arthur et le Graal contre le monde moderne et marchandé » ; « Excalibur. Merlin contre-attaque » ; « Néosorcières et femmes guerrières. L’arthuriana contemporain et les questions de genre » ; « Les super-héros : un mythe néoarthurien » ; « Mondialisation ludique. Le roi Arthur pour tous » ; « Arthur, no future ? »), qui comportent pour certains d’entre eux des annexes qui ne sont, malheureusement pas mentionnées dans le sommaire (l’une d’entre elles est d’ailleurs consacrée au « Roi Arthur et le nazisme »). Il est également agrémenté d’une riche iconographie commentée, qui illustre le propos de l’auteur, d’un glossaire et de solides références bibliographiques (notes de bas de pages et chapitre bibliographique).

À la lecture de cet ouvrage, et il s’agit de l’un de ces nombreux points forts, nous apprenons que le mythe arthurien fut très utilisé, à la fois pour consolider la monarchie anglaise (au Moyen Âge lors de la guerre de Cent ans), pour consolider des pratiques identitaires (construction de l’identité galloise par exemple au XIXe siècle), des pratiques nationalistes (justification de la constitution de l’Empire britannique) ou xénophobes (avec l’écrivain T.H. White), mais également touristiques (au Pays de Galles toujours). Parallèlement à ces usages, le mythe arthurien fut utilisé dans la culture populaire occidentale, avec des romans (dont un de Mark Twain, Un Yankee du Connecticut), des bandes-dessinées (Prince Vaillant), des films (dont Sacré Graal des Monthy Pythons, Star Wars de Lucas et évidemment l’Excalibur de Boorman), des chansons (les Who, Led Zeppelin ou les Kinks), ou des séries télévisées (Merlin), ainsi que dans la fantasy, un registre de la littérature fantastique, qui invente un Moyen Âge alternatif fait de Dragons, de sorcières et de magie, et dont le principal représentant est J. R.R. Tolkien.

L’auteur montre aussi l’usage antimoderne fait du cycle arthurien, apparu à la fin de la Grande Guerre, nostalgique et baignant dans un rejet de la technique et des ravages de la crise de 1929. Cette nostalgie des sociétés fermées touche aussi bien des auteurs de gauche comme Steinbeck que des auteurs fascisants comme Eliot. Les pages sur la redécouverte du mythe arthurien par les contre-cultures sont également très éclairante quant à l’appropriation de ce mythe par les hippies, qui lui donne un aspect « réactionnaire-progressiste » : Arthur devient le prétexte à la condamnation de la société industrielle des Trente Glorieuses finissantes et à la promotion des modes « traditionnelles » de vie (en fait surtout une idéalisation des pratiques antiques), que nous retrouverons dans le néopaganisme et l’écologie radicale. Ces milieux se sont d’ailleurs nourris de fantasy et son Moyen Âge préindustriel et surtout prémoderne, fait de magie. Cette volonté de réenchantement du monde est au cœur de l’usage contemporain du mythe arthurien.

William Blanc nous offre avec ce livre une belle synthèse, précise et agréable à lire, des usages passés et contemporains du mythe arthurien. Un petit bémol toutefois, lié à notre formation : nous aurions aimé un développement plus important des usages politiques de celui-ci, ce mythe étant très fortement mobilisé par les formations politiques d’extrême droite (nous pensons, par exemple, à sa mobilisation récente par le Bloc Identitaire lors de l’université d’été des 11/16 août 2014 qui était intitulé « Un mythe pour une nouvelle chevalerie. D’Excalibur au Graal »). Nous restons aussi un peu sur notre faim quant au chapitre sur la néo-sorcellerie, les utilisations de la figure de la sorcière Morgane par les Wiccas n’étant que très peu approfondies. Mais ne boudons pas notre plaisir : ce ne sont que des chipotages de spécialiste… Ce livre est vraiment excellent.

Stéphane François