Le blog des éditions Libertalia

Tout pour tous ! dans La Décroissance

mardi 15 juillet 2014 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Article publié dans La Décroissance, juin 2014.

Escargot mexicain

Dans notre n° 96 (février 2013), Majid Rahnema montrait en quoi la décroissance pouvait s’inspirer de la rébellion menée par les zapatistes au Mexique. Deux ouvrages récemment publiés permettent d’approfondir cette analyse. Le premier, une courte synthèse intitulée Tout pour tous !, fournit une bonne introduction pour se familiariser avec la longue histoire de l’EZLN (armée zapatiste de libération nationale) et comprendre le mode d’organisation des territoires autonomes du Chiapas, où s’édifie une « alternative concrète au capitalisme ». L’auteur, Guillaume Goutte, montre que « si le zapatisme n’est pas “importable” en France, il a de quoi nourrir nos luttes et les analyses et réflexions politiques qui les animent ». La couverture, représentant un escargot (l’un des symboles de l’EZLN) au poing serré, devrait interpeller les objecteurs de croissance…

Le second livre, Adieux au capitalisme, est signé par l’historien Jérôme Baschet, grand connaisseur du Chiapas et auteur de nombreux ouvrages de référence sur le sous-commandant Marcos et la révolte indienne. S’il s’attarde lui aussi sur l’expérience zapatiste, « l’une des plus remarquables “utopies réelles” mises en œuvre actuellement à travers le monde », le propos de cet ouvrage va bien au-delà des frontières du Mexique. Il offre une critique globale du capitalisme, ce « système humanicide », et esquisse des pistes pour organiser une démocratie radicale sans État, sortir de l’économie et construire l’autonomie. Certes, quelques passages du texte sont susceptibles de froisser les critiques de la technologie que nous sommes, comme celui-ci – où l’influence de l’André Corz des années 2000 se fait sentir :
« On ne peut nier toutefois qu’il [le capitalisme] développe, en même temps que des effets destructeurs, des potentialités techniques susceptibles d’être positives : énergies renouvelables induisant un rapport non déprédateur à l’environnement, technologies numériques permettant l’essor de formes de production et d’échange fondées sur la gratuité et la coopération. Il se peut que le futur postcapitaliste soit déjà là, en germe. »
Mais dans l’ensemble, ce livre résonne avec le projet de la décroissance. « Combattre le capitalisme, c’est d’abord lutter contre les normes de la société marchande en nous », écrit Jérôme Baschet, qui appelle à se défaire de la dépendance à la consommation, à abandonner la course à la production pour la production, à appliquer les vertus de modération, d’entraide et de partage.
Sans tomber dans un angélisme béat laissant croire à une insurrection inéluctable et sans fournir un programme clé en mains, Adieux au capitalisme ouvre des perspectives créatives pour sortir du fatalisme mortifère.

P.T.