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> Sur les traces de Jack London 1/4
lundi 18 juillet 2016 :: Permalien
On ne se remet jamais tout à fait de ses lectures d’adolescent et de jeune adulte. Il est ainsi un certain nombre de romanciers qui me hantent depuis vingt ans et que je porte dans mon cœur, que je relis parfois, que j’analyse à l’aune de ma propre vie qui s’efface. Parmi ceux-là, il y a d’abord Camus et Genet, mais également Albert Cohen, Romain Gary, René Char. On pourrait ajouter Breton, Rimbaud, le premier Malraux, Maïakovski, Hemingway. Il s’agit d’hommes dans la quasi-totalité des cas – je le déplore –, à l’exception notable de Marguerite Duras, dont j’ai avalé toute l’œuvre mais que je n’ai jamais relue. Et peut-être de Carson McCullers, qui a subi le même traitement. À cette galerie de poilus, il faut ajouter Jack London. À quel âge ai-je lu ses récits du Grand Nord ? Je ne m’en souviens plus, mais très jeune.
Ces écrivains-ci, j’ai souvent suivi leurs traces. À Lourmarin et à Tipaza (Camus) ; à Larache, au Maroc, sur la tombe de Genet ; dans la vieille ville de Shanghai ou à Banteay Srei (Cambodge) pour retrouver le souffle de La Voie royale, des Conquérants et de La Condition humaine ; à deux pas de La Havane, dans le refuge du vieil ours qui écrivit The Sun also Rises (Le Soleil se lève aussi). Il manque encore le Harrar de Rimbaud et les Samoa pour Stevenson, ce temps viendra.
Jack London est mort il y a cent ans, en novembre 1916, il avait tout juste 40 ans. Mon âge. Relisant le credo qu’on lui attribue si souvent, et bien que sensible à la geste romantique, je ne suis plus aussi certain de le suivre : « J’aimerais mieux être cendres que poussière. J’aimerais mieux que mon étincelle brûle avec une brillante flamme, plutôt qu’elle soit étouffée par la sècheresse de la pourriture. J’aimerais mieux être un météore superbe et que chacun de mes atomes brille dans une magnifique incandescence, plutôt que sous la forme d’une planète endormie. La fonction de l’homme est de vivre et non d’exister. Je ne perdrai pas mes jours à essayer de prolonger ma vie, je veux brûler tout mon temps. » [1] Pour autant, je n’ai jamais cessé, en dépit de ses contradictions patentes, d’aimer cet auteur, aussi ai-je décidé, à l’occasion de la retraduction du Talon de fer par Libertalia, de chausser mes bottes de 2 000 lieues et de partir sur ses traces. Récit décousu, rédigé à chaud, durant le vol retour. Hit the road, Jack !
Nicolas Norrito
[1] Traduction de Jennifer Lesieur dans la belle biographie qu’elle a consacrée à London, publiée en poche chez Phébus. Texte original : « I would rather be ashes than dust ! I would rather that my spark should burn out in a brilliant blaze than it should be stifled by dry rot. I would rather be a superb meteor, every atom of me in magnificent glow, than a sleepy and permanent planet. The proper function of man is to live, not to exist. I shall not waste my days in trying to prolong them. I shall use my time. »