Le blog des éditions Libertalia

Les aventures de B. Traven

dimanche 4 janvier 2009 :: Permalien

B. Traven est un immense romancier, l’un des plus lus au monde, à l’instar de Jack London, mais il reste relativement méconnu en France.

L’auteur du Trésor de la Sierra Madre, de La Révolte des Pendus ou encore du Vaisseau des morts, tous d’incroyables récits sociaux, imagés et bouleversants affirmait : «  Ma vie m’appartient, seuls mes livres appartiennent au public. » Et de fait, tout au long de son existence (il est mort au Mexique en 1969), il a cherché à brouiller les pistes sur son identité, ses faits et gestes.
On lui connaît une trentaine de pseudonymes différents, à peu près autant de lieux et de dates de naissance, quatre ou cinq nationalités. L’auteur est tellement mystérieux qu’il intrigue et passionne. On savait déjà, grâce aux travaux des éditions L’insomniaque (cf. Dans L’État le plus libre du monde, réédité par Actes Sud), que Ret Marut, l’animateur du journal Der Ziegelbrenner (i.e Le Fondeur de briques) pendant la Révolution des conseils (Bavière, 1919) et B. Traven ne faisait qu’une seule et même personne.

Eh bien, cette biographie – largement retravaillée par les éditeurs mais signée humblement du seul nom du chercheur allemand qui consacra sa vie à suivre les traces du Fondeur de briques – lève encore bien des mystères sur l’écrivain qui acheva sa course à Mexico. En nous donnant envie de revenir aux textes de Traven ou de partir au Chiapas pour soutenir les compagnons zapatistes de la Selva Lacandona, Insaisissable, qui se lit comme un haletant roman policier, atteint son but.
Touché, coulé, c’est un livre magistral.

Insaisissable de Rolf Recknagel est publié aux Éditions L’insomniaque.
Le livre est disponible dans notre librairie en ligne (lien).

Rolf Recknagel, Insaisissable — Les aventures de B. Traven.

L’Envolée

samedi 27 décembre 2008 :: Permalien

Depuis des années, contre vents et marées, en dépit de la répression et des vilenies, l’Envolée – le journal de critique du système carcéral et judiciaire – poursuit sa route. Comme l’énoncent ses rédacteurs en préalable : « S’attaquer à l’enfermement, c’est forcément s’en prendre aussi à tout ce qui fabrique, réforme, perfectionne le contrôle social hors des murs des prisons : le formatage des “citoyens” dès le plus jeune âge, le salariat précarisé ou à perpète, l’urbanisme qui flique les villes et quadrille les espaces sont bien le pendant de la construction des prisons. L’enfermement carcéral joue un rôle social de repoussoir ; il produit une peur nécessaire au maintien de cette société. En ce sens, c’est bien plus qu’une simple répression, qu’un moment de contrôle, de sanction des actes “délictueux” ; c’est un ciment nécessaire à l’État pour permettre au capitalisme de continuer à se développer dans ses nouvelles formes. »

Dans ce numéro, on lira, entre autres articles, le poignant témoignage d’Hugo, un ancien détenu qui a passé vingt-neuf ans en prison. Un long dossier est consacré à l’incendie du centre de rétention de Vincennes, le 22 juin 2008. Un autre s’intéresse aux femmes en prison et dresse quelques pistes de réflexion. Enfin, un article s’intéresse aux expertises génétiques et aux liens entre laboratoires et tribunaux, i.e la poursuite massive du fichage ADN.

L’Envolée est un excellent journal, à la maquette très (trop ?) sobre. Abonnez-vous !

Contact :
L’Envolée, 43, rue de Stalingrad, 93100 Montreuil (15 euros/an)
lejournalenvolee.free.fr

L’Envolée, #24, novembre 2008, 52 pages A4, 2 €

@ Radio Libertaire 15.12.08

vendredi 19 décembre 2008 :: Permalien

Émission de Radio Libertaire "Le monde merveilleux du travail" (lien) du 15 décembre 2008 sur l’édition en France avec comme invités des membres de Libertalia.

Tant qu’il y aura des Incos

jeudi 18 décembre 2008 :: Permalien

En ce moment, alors que nous venons de lancer la réimpression de La Vie des forçats, d’Eugène Dieudonné (lien), nous travaillons sur le texte de Paul Roussenq, L’Enfer du bagne, à paraître en février 2009. Les résonances avec l’actualité sont nombreuses. En voici un exemple.

Les Incorrigibles

Le camp des Incorrigibles de Charvein, à trente kilomètres de Saint-Laurent-du-Maroni avait une réputation d’épouvante largement méritée.
On envoyait là les fortes têtes qui avaient encouru un total de punitions de cachot supérieur à quatre-vingt-dix jours dans le courant d’un même trimestre.
Situé en pleine forêt, dans un endroit malsain, ce camp disciplinaire comportait des travaux forestiers particulièrement pénibles.
Le régime était très dur : le silence était de rigueur, sauf pour les besoins du travail ; le tabac était sévèrement prohibé et trente jours de cachot sanctionnaient toute infraction à cet égard.
Les Incos, ainsi qu’on les appelait par abréviation, n’avaient droit qu’à la portion congrue en fait de nourriture sans pouvoir prétendre à aucune gratification. Ils couchaient aux fers dans les cases.
Aux locaux disciplinaires, où ils étaient jetés à tour de rôle, ils étaient l’objet de sévices et de brimades de toutes sortes, par exemple la privation d’eau et la répartition de leur pain en bouchées, à raison d’une bouchée par heure. Ainsi, ils avaient toujours faim et soif durant le cours de leur punition.
Au travail, ils ne devaient sous aucun prétexte se dérober à la vue des surveillants qui les gardaient, carabine à l’épaule et revolver au côté, sinon, on les abattait comme des perdreaux.
Les surveillants que l’on envoyait à Charvein étaient réputés parmi les plus sévères et les plus sanguinaires.
Parmi les travaux pénibles qu’exécutaient les Incos, il y avait celui du charroi de pièces de bois équarries, qu’il fallait apporter jusqu’à la scierie distante de quatre kilomètres. Les hommes travaillaient entièrement nus, à part un léger cache-sexe.
Attelés comme des bêtes de somme aux cordes qui maintenaient les pièces de bois, ils tiraient sur les bricoles qui leur meurtrissaient les épaules. Ils devaient passer outre aux fondrières, aux déclivités du terrain, aux épines. Marche ou crève ! Des porte-clés arabes les tarabustaient, les injuriaient dans leur langage guttural.
Les surveillants ne s’en privaient pas non plus, et les annonces de punition étaient fréquentes. Il ne fallait pas songer à prendre un maigre repas avant que la lourde pièce de bois soit rendue à destination. Tout nus, la tête courbée, le corps bronzé par le soleil et les intempéries, on aurait dit une bande de démons sylvestres qui regagnaient leur antre…
Pour ceux qui travaillaient sur place au chantier, le labeur n’était pas moins pénible, il ne fallait pas souffler une minute.
Les évasions étaient fréquentes à Charvein. Abreuvés de mauvais traitements, sous-alimentés, perdant l’espoir de sortir de cet enfer, les Incos ne craignaient pas de risquer la mort ou la réclusion cellulaire pour mettre fin à leurs misères.
Ils ne pouvaient s’évader des cases la nuit, ces dernières étant soigneusement gardées par les porte-clés arabes, armés de sabres d’abatis. Ils devaient le tenter sur les lieux de travail. Par groupes, s’enfuyant dans toutes les directions pour semer le désarroi parmi leurs cerbères, ils essuyaient les coups de feu. Les uns tombaient pour ne plus se relever ; d’autres, plus heureux, réussissaient à gagner la lisière de la forêt vierge où ils se plongeaient, poursuivis par les surveillants et leurs auxiliaires. S’ils étaient rejoints, il n’était pas rare qu’on les assassinât sur place. Cela dépendait de la férocité ou de la compréhension des chasseurs d’hommes lancés à leurs trousses.
Généralement et réglementairement, les Incos devaient être déclassés et renvoyés dans leurs pénitenciers respectifs après six mois de bonne conduite. Mais leurs bourreaux s’arrangeaient le plus souvent pour leur faire encourir une punition au bon moment, ce qui retardait de six mois de plus leur départ.

(extrait de L’Enfer du bagne de Paul Roussenq)

PS : si vous êtes à Paris dimanche 21 décembre vers 17 heures, passez donc au CICP (21, ter rue Voltaire, métro Rue-des-Boulets), il y a une soirée de soutien (débat puis concerts) au journal anti-carcéral L’Envolée.

L’Ultime combat

mercredi 17 décembre 2008 :: Permalien

« Nous vous envoyons, nous, prisonniers du ghetto, notre cordial et fraternel salut. Nous nous battons pour notre liberté et pour la vôtre, pour notre honneur et pour le vôtre », proclame l’Organisation juive de combat (OJC) lors de l’insurrection du ghetto de Varsovie en 1943. Bernard Goldstein est l’un des rares survivants de ce soulèvement désespéré. Militant du Bund – parti yiddish révolutionnaire non sioniste – dont il organise les milices d’autodéfense avant-guerre, il évoque, sans emphase mais avec retenue et pudeur, la souffrance indicible du ghetto, comparable à l’expérience concentrationnaire, puis l’insurrection elle-même, lorsque ceux qui auraient dû être brisés donnèrent au monde une leçon de courage. Figure centrale du ghetto, Goldstein ne cache pourtant rien de ses faiblesses, refuse de céder à la rancœur face aux résistants polonais antisémites, aux nazis, ou à la police juive du ghetto, et met en contraire en avant les rares moments de solidarité avec le ghetto. Ce sont les souvenirs d’un grand humaniste combattant. Ils méritent d’être lus.

Bernard Goldstein, L’Ultime combat. Nos années au ghetto de Varsovie, Zones, 2008 (lien)

E.F.