Le blog des éditions Libertalia

« Bienvenue dans le monde des vivants »

mardi 7 décembre 2010 :: Permalien

Inflammable, le nouveau spectacle de Jolie Môme

La première fois que j’ai vu Jolie Môme sur scène, c’était en 1998 au théâtre de l’Épée de bois. La troupe jouait La Mère de Brecht. Je les ai revus quelques semaines plus tard en plein cœur du Paris touristique : ils chantaient à place des Vosges, grands drapeaux rouges au vent, ça ne laisse pas indifférent… On croise les comédiens de Jolie Môme dans presque toutes les manifestations et fêtes politiques ou syndicales. En 2003, durant le mouvement des intermittents, ils étaient incontournables. Comédiens et militants, ils pratiquent un théâtre d’intervention accessible à tous. Le spectacle proposé en cette fin 2010 est un bon cru. La troupe adapte le texte de Thierry Gatinet, un auteur dionysien d’expression prolétarienne. Si vous avez aimé Les Vivants et les Morts de Mordillat, cette pièce vous plaira puisqu’elle raconte la longue occupation d’une usine qui fait moult profits mais décide de délocaliser pour accroître encore la rentabilité. Les ouvriers s’organisent, découvrent les solidarités et l’intensité des périodes de lutte, font sauter une citerne de solvants et arrachent finalement un protocole de fin de grève assez favorable. Une pièce qui apporte une pierre supplémentaire à la reconstitution d’une culture de classe.
Du jeudi au dimanche, jusqu’au 19 décembre, à la Belle-Étoile, Saint-Denis, 01 49 98 39 20.

Les Conti gonflés à bloc

Depuis peu, Xavier Mathieu s’essaye avec succès au théâtre puisqu’il joue – dans la pièce recensée plus haut – le rôle d’Hubert, l’ouvrier le plus déterminé de l’usine occupée. Il incarne en quelque sorte son propre rôle. On s’en convaincra en visionnant Les Conti gonflés à bloc, un long reportage de Philippe Clatot qui revient sur les quatorze mois de lutte acharnée des emblématiques « Conti » de Clairoix. Le film –autoproduit et autodiffusé – restitue l’atmosphère houleuse des AGS, la mise en place progressive d’un comité de lutte qui dépasse rapidement les clivages syndicaux, les espoirs et les nombreux doutes de la grosse poignée de militants qui ne se découragèrent jamais et arrachèrent – pour l’ensemble des 1 120 employés – un accord largement supérieur à celui promis initialement par le patron voyou. La lutte des Conti n’est pas achevée puisque peu nombreux sont ceux qui ont retrouvé du boulot ou même obtenu une formation qualifiante.
Pour se procurer ce film : http://lesfilmeursproduction.com

L’Action directe d’Émile Pouget (Agone)

Signe des temps, Pouget est réédité par de nombreux éditeurs. Dans ce nouvel opus de la collection Mémoires sociales (Agone), ce n’est pas du pamphlétaire anarchiste du Père Peinard dont il est question, mais bien du théoricien syndicaliste issu de la fédération du Sud-Est des Employés, secrétaire adjoint de la CGT et directeur de La Voix du peuple. Pouget a été l’un des principaux artisans de la longue campagne victorieuse pour la journée de huit heures. On lui doit l’esprit de la charte d’Amiens (1906), à savoir l’indépendance statutaire à l’égard de toute école politique et la conception de la double « besogne syndicale » (l’œuvre présente et l’élaboration de l’avenir). Les quatre brochures reproduites ici, remarquablement présentées et annotées par Miguel Chueca, ont été rédigées entre 1903 et 1910. Pouget – dont la langue a vieilli – pose les principes doctrinaux du syndicalisme révolutionnaire : division de la société en deux classes antagonistes, nécessité de l’organisation syndicale, action directe comme seul moyen efficace. Il présente les diverses modalités de lutte : sabotage, boycott et label syndical, et surtout grève générale émancipatrice. On ne s’épanchera pas sur le naufrage patriotique de l’ancien gniaff (cordonnier) durant la Première Guerre mondiale. On retiendra que s’il n’est pas nécessaire d’avoir lu Pouget pour animer les luttes d’aujourd’hui, sa pensée – reformulée – peut nous aider à construire le syndicalisme de demain.

N.N.