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Trop jeunes pour mourir, dans Le Travailleur parisien

jeudi 12 novembre 2015 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Dans Le Travailleur parisien (journal de l’UD CGT Paris), n° 1196, juillet-août-septembre 2015

Les libertaires et la CGT avant 1914

Ouvrage d’histoire qui nous transporte dans le Paris ouvrier et révolutionnaire des six années qui précèdent la grande hécatombe de 1914-1918, Trop jeunes pour mourir, de Guillaume Davranche, est un livre de plaisirs. Plaisir à lire un texte clair, alerte, plaisir d’apprendre à chaque page, de découvrir, de comprendre.

Le livre de Guillaume Davranche n’est pas un livre sur la CGT, bien que celle-ci soit omniprésente et ouvre le récit avec l’élection difficile, le 24 février 1909, d’un nouveau secrétaire général en remplacement du révolutionnaire Victor Griffuelhes. C’est le réformiste Louis Niel qui sera élu, pour trois mois seulement car il démissionnera après avoir reçu un blâme du comité confédéral… Au départ, il avait prévu de relater les combats des libertaires, anarchistes et syndicalistes révolutionnaires, mais l’auteur a dû élargir son propos, notamment à cause de leur implication dans la CGT, leur « seconde famille ». « Libertaires » est une appellation très large, qui regroupe celles et ceux qui combattent le système capitaliste et l’autorité. Révolutionnaires, ils ne se satisfont pas du cadre parlementaire. Beaucoup se revendiquent du communisme, à l’opposé du collectivisme qui nierait les individus. Certains sont des individualistes revendiqués, d’autres des anarchistes de conviction gardiens de la doctrine. Ces groupes et militants constituent l’extrême gauche, comparable par beaucoup d’aspects à celle de Mai 68 : refus de l’autorité, volonté de modes de vie libérés de contraintes aliénantes. À la différence essentielle qu’à cette période, les syndicalistes révolutionnaires dirigent la CGT. Mais pas seuls : les réformistes assumés leur disputent le terrain et les débats sont vifs.

Courage et sincérité

C’est une période très dense que les lecteurs de ce livre vont traverser, avec des grèves très dures qui n’aboutiront pas et entraîneront une répression sévère et des centaines de révocations. Un temps de mobilisations internationales très fortes, notamment avec les manifestations en faveur de Francisco Ferrer, dont celle du 13 octobre 1909 qui donnera lieu aux affrontements les plus violents depuis la Commune. En réaction, les socialistes organiseront la première manifestation pacifique avec un service d’ordre composé de députés et d’élus, mais aussi d’anarchistes : les « hommes de confiance ».
L’antimilitarisme est une composante de l’identité de la CGT. Certains pratiqueront l’antipatriotisme. La CGT et ses militants sont contre la loi des trois ans de service militaire, le colonialisme, l’impérialisme, la « revanche » et la course à la guerre. Elle mène campagne contre les bagnes militaires, les exactions de l’armée.

La presse est centrale. Un titre est la colonne vertébrale du récit : la Guerre sociale, de Gustave Hervé. La CGT lance un quotidien éphémère, La Bataille syndicaliste, et Pierre Monatte commence à publier la Vie ouvrière. Dans de nombreux titres, on sera surpris de la violence des échanges.

Ce qui frappe est l’actualité des idées que les hommes – les femmes sont peu représentées – développent. Enfin, ce qui doit nous rendre modestes, au moins, c’est le courage de ses militants et la sincérité de leur engagement.

Marc Norguez