Éditions Libertalia
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jeudi 27 septembre 2012 :: Permalien
Grandpuits et petites victoires.
DVD, les Mutins de Pangée, 2012.
Que reste-t-il du mouvement social contre la réforme des retraites deux ans plus tard ? Telle est la question posée en substance dans cette deuxième édition du film Grandpuits et petites victoires, réalisée par Olivier Azam et la coopérative Les Mutins de Pangée.
Pour ceux qui auraient la mémoire courte, rappelons qu’à l’automne 2010, les travailleurs de la raffinerie Total de Grandpuits (77) se mirent en grève et bloquèrent les dépôts les plus proches de Paris durant plusieurs semaines. Les Mutins de Pangée étaient sur place. Ils ont filmé les assemblées générales de l’intersyndicale et les piquets de grève, les manifestations dans la capitale, les espoirs déçus, la vague de solidarité née avec la souscription, la lutte vécue avec intensité qui rend terne les lendemains qui déchantent, l’amer retour au boulot, etc. Ils démontrent qu’en dépit de cette assommante défaite du mouvement social, certains des modes de lutte empruntés au passé ont pu resurgir et connaître un nouvel élan : appels à la grève générale (souvent limités à l’incantation, faute de troupes), réquisitions, caisses de grève. En complément, un passionnant entretien d’une heure avec Charles Jacquier (éditeur chez Agone) et Miguel Chueca (spécialiste du syndicalisme révolutionnaire) rend compte de la puissance du concept de grève générale, tant au début du xxe siècle qu’en 1936 puis 1968.
Ce DVD (et bien d’autres !) est disponible à l’achat sur le site des Mutins de Pangée : www.lesmutins.org
mercredi 12 septembre 2012 :: Permalien
La Revue des livres, numéro 7.
Septembre-octobre 2012, 80 pages, 5,90 €.
Un an déjà que La Revue des livres (Rdl), à périodicité bimestrielle, met tout en œuvre pour « réarmer la pensée critique ». En éditorial, les rédacteurs annoncent qu’il est « crucial de démontrer que les catastrophes ne sont pas à venir, qu’elles sont actuelles. Il s’agit aujourd’hui de penser conjointement crise financière et crise écologique, de saisir leur indissociabilité, de comprendre comment elles font système ». On l’aura compris, la Rdl, c’est du « lourd ». Au sommaire de ce numéro, on découvrira ainsi un passionnant entretien-fleuve avec Bernard Friot, auteur de L’Enjeu du salaire (La Dispute, 2012) et de L’Enjeu des retraites (La Dispute, 2010). Celui-ci affirme notamment que « rien n’est plus urgent aujourd’hui que de construire un discours autonome du salariat qui assume les conquêtes de la classe ouvrière […]. Toutes les institutions de la convention capitaliste du travail ont leur subversion ». On lira ensuite l’entretien réalisé avec Joëlle Fontaine à propos de son ouvrage De la Résistance à la guerre civile en Grèce, 1941-1946 (La Fabrique, 2012) où l’on prend conscience des moyens démesurés dont usa Churchill contre les partisans athéniens (75 000 soldats britanniques !) afin de les noyer dans le sang. D’un cynisme déconcertant, Churchill publia la Déclaration sur l’Europe libérée garantissant le « droit de tous les peuples à choisir la forme de leur gouvernement » à Yalta, le 12 février 1945, le jour même où était signé l’accord qui entérinait la défaite de la Résistance grecque. On découvrira enfin avec profit un article rédigé par le militant écolo et pasteur « rouge » Stéphane Lavignotte sur le penseur Jacques Ellul, critique radical de la technique et théologien protestant. Bien d’autres articles retiendront votre attention, parmi lesquels un entretien avec Jacques Rancière ou la longue recension de Kubark. Le Manuel secret de la manipulation mentale et de torture psychologique de la CIA (Zones, 2012). Grande entreprise intellectuelle et politique économiquement précaire, La Revue des livres ne saurait exister sans le soutien de ses lecteurs, abonnez-vous !
La Revue des livres organise des rencontres-débats samedi 22 septembre à la Générale (Paris XIe), plus de renseignements sur leur site.
jeudi 28 juin 2012 :: Permalien
Article 11, numéro 10.
juin-juillet-août 2012, 2,50 €.
Vous ne connaissez pas encore Article 11 ? Alors, il est temps de vous diriger chez votre marchand de journaux et d’acquérir ce journal qui ne ressemble à nul autre tant au niveau du contenu que de la maquette. Les rédacteurs annonçant une nouvelle formule pour l’automne, ce numéro 10 constitue une sorte de « collector ».
Si le sommaire est éclectique et les articles joliment rédigés, l’ensemble se révèle un peu sombre à la lecture, voire plombant. Ce numéro d’été s’ouvre sur un reportage intitulé « Le Peuple des confins » (clin d’œil à The People of the Abyss, Jack London, 1903), plongée in situ au cœur des bidonvilles bâtis le long du périphérique parisien. Il se poursuit avec une présentation de l’association calabraise Terra Libera, qui lutte au quotidien pour récupérer les terres confisquées par la mafia locale, la ‘Ndrangheta. Un reportage en Tunisie donne la parole à un couple de militants communistes qui relatent les tortures vécues sous Ben Ali. Vient enfin un article plus léger sur la gentrification de Saint-Étienne (par Jean-Pierre Garnier) puis une présentation de l’œuvre du penseur Jacques Ellul, l’un des premiers à remettre en cause l’idée de « progrès technique ». On ne manquera pas de lire l’entretien avec un marin-pêcheur breton de 38 ans qui a décidé de raccrocher et de rester à terre, ainsi que le portrait de Jacques Abeille, auteur des Jardins statuaires (éditions Attila). Enfin, last but not least, une chronique littéraire donne envie de se plonger immédiatement dans le roman Nous autres (1921) du Russe Ievgueni Zamiatine, considéré comme un « livre précurseur en matière de dystopie, de récit contre-utopique ».
dimanche 24 juin 2012 :: Permalien
CQFD , numéro 101.
15 juin 2012, 2,40 €.
CQFD, le mensuel de « la critique sociale normale » a fêté il y a peu son centième numéro, et pour l’occasion, s’est refait une beauté en passant en quadrichromie. Au sommaire du numéro de juin, la tonalité est résolument internationaliste avec notamment un article sur les coopératives grecques (des laboratoires d’expérimentation sociale), un entretien avec des étudiants québécois en révolte, ou encore un beau reportage (texte et photos) de Damien Fellous sur les « veines ouvertes de la Colombie ». Comme chaque mois, on retrouve les chroniques de Sébastien Fontenelle, Jean-Pierre Levaray et Noël Godin. La part belle est laissée à la culture avec, cette fois-ci, une interview du metteur en scène et comédien Nicolas Lambert (allez voir sa pièce Avenir radieux, une fission française, c’est stupéfiant !) et une longue recension du livre Bobby Sands, jusqu’au bout (Denis O’Hearn, éditions de l’Epervier) qui relate la grève de l’hygiène (« Dirty Protest ») des prisonniers de l’IRA. CQFD est un journal à l’économie fragile. On le trouve en kiosques, mais mieux vaut s’abonner : www.cqfd-journal.org
mardi 12 juin 2012 :: Permalien
Tortuga.
Valerio Evangelisti.
Éditions Rivages, 2011, 24,50 €.
Pas facile de passer après d’aussi illustres prédécesseurs que Daniel Defoe ou Robert Louis Stevenson. Pourtant, Valerio Evangelisti, auteur des excellents romans Anthracite et Nous ne sommes rien, soyons tout relève le défi de la geste piratesque et s’essaie au récit d’aventures. Ce nouveau (et long) roman affiche un titre évocateur : Tortuga. L’île de la Tortue était en effet l’un des plus célèbres bastions des « Frères de la Côte », dans les Caraïbes. Disons d’emblée que le résultat est décevant : Evangelisti multiplie les tableaux et les intrigues au point de perdre le lecteur. L’auteur évoque la fin du XVIIe siècle, l’âge où les corsaires cessent d’œuvrer pour les rois (Louis XIV dans le cas présent) et basculent, pour certains, dans la piraterie. Si la description du féroce capitaine Grammont ou l’amour éperdu du jésuite Rogério de Campos pour une (trop) belle esclave nous tiennent quelque peu en haleine, la tentation est grande de sauter des pages. Au titre des passages les plus imagés et convaincants, on retiendra néanmoins le pittoresque épisode de l’attaque de Campeche par la flotte flibustière. Il est néanmoins surprenant de constater qu’Evangelisti adopte un point de vue sur la piraterie qui se rapproche de la vision des puissants : des bandits cruels et sans éthique.
« Ces combattants des mers rêvaient à la guerre et vivaient pour célébrer la mort, que ce fût la leur ou celle d’autrui. Comme des déments, excités par la perspective du sang qu’ils verraient bientôt couler à flots, ils lançaient des bordées d’injures à leurs ennemis, indifférents au fait que quelques mois auparavant, ces mêmes gens avaient été leurs alliés et protecteurs. Il s’agissait à présent de tuer et de piller : il n’existait pas d’autres idéaux, pas d’autres plaisirs plus sublimes que ceux-ci. Au milieu du chaos, seuls les boucaniers et les Arawaks conservaient un semblant de lucidité. Les premiers déroulèrent les mèches de leurs fusils déjà calés sur le bastingage du navire. Les seconds préparèrent leurs flèches empoisonnées et bandèrent leurs arcs. »