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jeudi 10 novembre 2016 :: Permalien
Coup pour coup , dans Télérama, 9 novembre 2016.
Dans la nouvelle Les Suppôts de Midas (1901), Jack London imagine une société secrète qui exerce un chantage sur de riches industriels, leur ordonnant de verser vingt millions de dollars sous peine de voir se prolonger une série de meurtres. Les « suppôts de Midas » revendiquent une « intelligence supérieure » qui leur permet de défier les « détenteurs du capital mondial ». Une nouvelle énigmatique sous la plume d’un écrivain aux convictions socialistes, qui imagine un concept radical de révolte contre le capitalisme.
À lire dans le volume I des Romans, récits et nouvelles de la Pléiade et, aux éditions Libertalia, sous le titre Coup pour coup, illustré par Thierry Guitard.
Gilles Heuré
jeudi 10 novembre 2016 :: Permalien
Dans Presse Océan, 6 novembre 2016.
Signée Barthélémy Schwartz, Benjamin Péret, l’astre noir du surréalisme est un régal de biographie.
Provocateur, Benjamin Péret (né le 4 juillet 1899 à Rezé et mort en 1959) traversa avec fracas le dadaïsme et le surréalisme, dont il fut l’un des piliers. Facilement irascible, « ses colères sont restées fameuses et ses rancunes durables », écrit l’auteur. « À chaque fois qu’il croisera Tristan Tzara il le traitera de “sale flic” car ce dernier avait eu la mauvaise idée d’appeler la police lors d’une soirée. » On suit avec délice la bande de la rue du Château avec Marcel Duhamel (futur créateur de la Série noire) et Yves Tanguy.
Péret invective aussi les curés. En 1928, il écrit Les Rouilles encagées, contrepèterie qui vaudra censure. Au Brésil (duquel il sera arrêté et expulsé), il rejoint les rangs de l’opposition de gauche en 1931 puis il adhère en France à l’Union communiste (1934) et au Parti ouvrier internationaliste. En 1936, âgé de 37 ans, il publie une quinzaine de livres dont Je ne mange pas de ce pain-là.
« En révolte permanente »
Passionné par le passé précolombien, « résolument optimiste par nature » et croyant « à l’amour comme force de vie », écrit encore Schwartz, Péret vivra aussi au Mexique.
« Poète, surréaliste, travailleur précaire en révolte permanente, continuellement malmené par la baisse du pouvoir d’achat et la hausse des prix, c’est aussi cela qui rend Péret si proche des préoccupations de nos jours. »
Stéphane Pajot
jeudi 10 novembre 2016 :: Permalien
Le Roi Arthur, sur le site d’Histoire et Images médiévales, 3 novembre 2016.
Aujourd’hui paraît aux éditions Libertalia le dernier ouvrage de William Blanc, Le Roi Arthur, un mythe contemporain, qui fait toute la lumière sur la représentation du mythe arthurien dans la culture contemporaine : cinéma, romans, musique, bande dessinée ou jeux vidéo. Vous verrez grâce à ce livre que, du Moyen Âge à nos jours, d’Henri II à Kennedy, de Thomas Malory à George R.R Martin, des troubadours médiévaux au rappeur Jay Z, en passant par Mark Twain, George Romero, John Boorman, ou Terry Gilliam, Arthur (et ses chevaliers) est partout, impérissable, et loin d’être figé dans son époque d’origine (si tant est qu’il en est une !), évoluant au gré des époques et des sociétés, qu’il transcende.
Rares sont ceux qui, plus ou moins directement influencés ou imprégnés par la culture occidentale (si tant est que l’on puisse la caractériser), rares sont ceux donc, qui n’ont jamais entendu parler du roi Arthur, des légendaires chevaliers de la Table Ronde, de la quête du Graal. Camelot ? Excalibur ? Ces noms évoquent toujours, à tout le moins, un petit quelque chose, comme une souvenance d’aventure, d’épopée. Le roi Arthur doit être plus familier pour beaucoup de jeunes et moins jeunes que des personnalités majeures de notre siècle ou du précédent.
Mais pourquoi cela ? La connaissance de la littérature ou de la culture médiévale est-elle si répandue, si précise, que chacun ait retenu les histoires colportées dans des chroniques du IXe siècle ? Des romans de chevalerie du XIIe ou du XIIIe siècle ? De leurs continuations des XIVe et XVe siècles ? Non. D’autres héros, d’autres rois légendaires ou bien réels ont disparu de l’inconscient collectif. Regardez tous ces héros chantés par les druides celtiques, les scaldes nordiques, ou plus récents, des Guillaume d’Orange, Girart de Roussillon, des preux ayant combattu en croisade… Ils ne sont pas moins « médiévaux », et pourtant, qu’en connaît-on ? Pas grand-chose. Devenir une légende, ce n’est pas donné à tout le monde. Même Clovis et Charlemagne, par chez nous, récoltent nettement moins de suffrages dans la culture populaire (à vrai dire, presque aucun).
Si nous connaissons si bien Arthur et ses chevaliers, c’est que ces personnages imprègnent encore notre quotidien. Croisés au détour d’un roman, d’un film, d’une bande dessinée. Omniprésents dans l’imaginaire collectif, parfois instrumentalisés, rêvés, déformés. Après un passage à vide à l’époque moderne (XVIIe et XVIIIe siècles), une « éclipse » arthurienne selon les termes même de l’auteur, Arthur et ses compagnons ont repris du poil de la bête, le mythe a été revivifié, réinventé, réadapté à nos visions contemporaines. La légende arthurienne est devenue un « mythe contemporain », et c’est ce que démontre William Blanc dans son ouvrage.
Passé un rappel très documenté sur le personnage d’Arthur, sa « naissance » historiographique et littéraire pourrait-on dire, mais aussi les premières appropriations politiques qui en sont faites (ainsi apprendrez-vous que Henri II Plantagenêt, au XIIe siècle, s’est déjà rêvé successeur du roi Arthur, déjà légendaire. En France, Chrétien de Troyes n’avait même pas commencé à rédiger son œuvre), on en vient à la rédaction des romans « arthuriens », Chrétien de Troyes, Robert de Boron, etc. Romans qui offrent une vision idéalisée de la société chevaleresque médiévale, utopique même (renvoyons, pour approfondir ces thématiques, vers le récent ouvrage d’Edina Bozoky, Les Secrets du Graal. Des Chevaliers parfaits.
Dès la fin du Moyen Âge, les gens se couvrent même de patronymes arthuriens et célèbrent les héros dans des tournois, « revival » qui n’est pas sans lien avec la revivification de l’idéal chevaleresque des XIVe, XVe et XVIe siècles. Et c’est à cette époque que s’opère un tournant, un glissement de l’imaginaire arthurien vers la culture anglaise (avec Thomas Malory notamment).
Voici venir le XIXe siècle, et l’éclosion du romantisme et du médiévalisme. Les Walter Scott, les Victor Hugo, qui offrent une vision bien particulière du Moyen Âge, mais surtout les éditeurs, dans l’Angleterre victorienne, qui s’emparent du mythe arthurien, l’expurgent de tout détail choquant pour la bonne société : et voilà revenus les chevaliers de la Table Ronde sous un jour nouveau, avec une audience décuplée. Et de motif historique ou littéraire, le roi Arthur devient un outil, l’outil d’un programme politique et idéologique. On évoquera aussi la place des artistes dans cette transformation. L’ouvrage montre à quel point les personnages et thématiques arthuriennes n’ont cessé d’être l’objet de réflexions intenses, de débats contradictoires. On citera notamment la question de la place des femmes dans la légende arthurienne, qui fait l’objet d’un chapitre.
Puis Arthur traversa l’Atlantique pour arriver en Amérique (c’était donc ça, Avalon !?). Car c’est bien aux États-Unis que la légende va se populariser le plus, aux XIXe et XXe siècles. Mark Twain fait le premier la satire de la cour arthurienne, un débat s’engage du coup avec les défenseurs de la vision littéraire « classique » victorienne, la machine arthurienne se met en route. Chevaliers et Yankees se rencontrent nez à nez. L’œuvre de Twain elle-même rencontrera un succès considérable dans le temps.
L’intérêt et le mérite principal de cet ouvrage est de faire la lumière sur la production contemporaine arthurienne, trop longtemps délaissée, mais qui intéresse aujourd’hui toute une génération de chercheurs. Une production littéraire, cinématographique, ou encore vidéoludique foisonnante. Arthur, au XXe siècle, fut mêlé à tous les combats politiques et idéologiques (surtout américains), il apparut sur tous les supports. Support éducatif, figure moralisante. Contre le communisme, pour la démocratie et le modèle capitaliste américain, pour servir les objectifs de l’administration Kennedy, Reagan, jusqu’à Obama. Partout. De nouveaux « chevaliers » ont depuis rejoint, d’une certaine façon, la Table ronde : Prince Valiant, véritable Perceval moderne du comic créé par Hal Foster, en est un excellent exemple. Mais un exemple parmi tant d’autres. Luke Skywalker combattant le chevalier noir de l’espace, Dark Vador. Les super-héros de comics qui visitent la cour du roi Arthur. L’esthétique arthurienne affleure aussi dans les mangas, les jeux de rôle, les jeux vidéo, les séries télévisées, la musique. Très récemment, Arthur est devenu Arthas dans la saga Warcraft, et non plus le fils d’Uther, il en est le disciple, Excalibur est devenue Deuillegivre. Et des millions de joueurs parcourent son univers « virtuellement arthurien » sur Internet. Geoffroy de Monmouth, Chrétien de Troyes et consorts peuvent reposer tranquilles.
Une pluie (une « constellation » selon les mots de l’auteur) d’adaptations et d’œuvres véhiculent depuis des visions différentes de la légende arthurienne. Transfiguration de la légende dans toute la littérature heroic fantasy (Tolkien et d’autres auteurs), jusqu’au très récent Game of Thrones. Mythe arthurien adapté pour le jeune public dans le complexe Merlin l’Enchanteur de Disney, lui-même adapté du cycle du romancier T.H White, The once and future king (1938). Retour du roi Arthur « historique » dans le film d’Antoine Fuqua en 2004. Vision d’un Moyen Âge drolatique et approche transversale dans le Kaamelott d’Alexandre Astier, devenu culte en France. La série, en apparence décalée, se veut pédagogique, et est devenu depuis un objet d’études pour les médiévistes ! La boucle est bouclée.
Comme l’auteur rappelle qu’il est impossible de faire le tour, le temps d’un ouvrage, de douze siècles de production arthurienne, nous voulons dire ici qu’il est délicat de faire apprécier la teneur d’une étude si complète. Un ouvrage qui réconcilie magistralement – n’ayons pas peur de le dire – l’étude médiévale et l’étude médiévaliste, qui vont main dans la main, on l’oublie souvent. Quelle meilleure porte d’entrée que la légende arthurienne, pour traiter de la culture du Moyen Âge, dans sa complexité, sa diversité, son devenir, son héritage jusqu’à nos jours ? Quoi d’étonnant à ce que, depuis le XIXe siècle, et encore aujourd’hui, Arthur et sa « légende » se popularisent, quand l’époque médiévale, elle-même fait l’objet de toutes les attentions, de toutes les interprétations, de toutes les utilisations ?
Saluons donc la publication de ce Roi Arthur, mythe contemporain, un ouvrage minutieusement documenté, bien servi par l’éditeur (le livre est riche d’une centaine d’illustrations commentées), qui nous invite à réfléchir sur les mentalités et l’imaginaire, ceux du Moyen Âge et les nôtres, qui ne sont finalement pas si éloignés. Enfin, c’est un beau voyage que cet ouvrage, qui nous fait découvrir que le royaume de Camelot est finalement beaucoup plus grand que nous n’aurions pu l’imaginer…
Et gardons toujours à l’esprit, dorénavant, une maxime fameuse, mise en exergue au début du livre : « Camelot is a state of mind [1] ».
Frédéric Wittner
[1] Camelot est un état d’esprit – accroche du film de George Romero Knightriders… film arthurien s’il en est !
jeudi 10 novembre 2016 :: Permalien
Grèves et joie pure dans les Cahiers Simone Weil, septembre 2016.
On trouve dans ce recueil plusieurs textes datant de l’année 1936 : « La vie et la grève des ouvrières métallos » (signé S. Galois, dans La Révolution prolétarienne du 10 juin 1936. Repris en brochure, sous le titre Sur le tas. Souvenirs d’une exploitée par les Cahiers de la Terre libre, 15 juillet 1936, cet article faisait partie du recueil La Condition ouvrière, paru en 1951) ; « La victoire des métallos » (projet d’article) ; « Quelques réflexions sur les suites de la déclaration de Salengro » (La Révolution prolétarienne du 10 août 1936), et « La déclaration de la CGT » (Le Libertaire, 23octobre 1936). Des notes rédigées par les éditeurs éclairent événements et noms évoqués. Rappelons que ces textes figurent dans les Écrits historiques et politiques (OC II 2).
Charles Jacquier rappelle dans sa préface qu’en 1936 S. Weil a « déjà écrit plusieurs articles remarqués dans des revues de gauche et d’extrême gauche », le plus connu étant Perspectives (publié par La Révolution prolétarienne, le 25 août 1933), remarqué et critiqué en son temps pour le « pessimisme » que son auteur y manifestait, selon certains camarades de lutte. D’autres l’on admiré (Marcel Martinet et Boris Souvarine, cités p. 9).
Après avoir retracé l’itinéraire de S. Weil entre 1934 et 1936, l’auteur revient aux « prémices des textes » rassemblés (pp. 11 sq.) en insistant notamment sur les expériences (ouvrière, visite d’usine) dont elle tire la substance de « La vie et la grève des ouvrières métallos ». Cet article est sous-tendu par la notion essentielle de force (pp. 12-13). Jacquier confronte alors la position de S. Weil aux « deux visions différentes qui coexistaient chez les militants révolutionnaires de ces années-là » (pp. 13 sq.) : celle de Trotski et celle de Pierre Monatte. Comme ce dernier, S. Weil insiste sur le « côté novateur de la grève, avec ses occupations d’usine et l’ambiance de joie » dans laquelle elles ont lieu. Sur ce côté novateur, Jacquier convoque également les syndicalistes René Lefeuvre et Édouard Berth (pp. 15-17).
Enfin, Jacquier observe que Simone Weil est l’une des premières à signaler, en août 1936, l’« action du Front populaire pour circonvenir de nouvelles grèves avec les conséquences néfastes que cela aura nécessairement », tout comme elle s’inquiète du « manque de fermeté des organisations ouvrières » (p. 17). La mise au pas par Vichy des syndicats sera un « aboutissement naturel, inévitable de ce changement d’esprit » (L’Enracinement, cité par C. J., p. 18). L’auteur insiste, pour finir, sur le fait que la relecture de ces textes permet de mieux comprendre que « derrière la mythologie des conquêtes ouvrières octroyées par un “bon” gouvernement de gauche, ces dernières ont été en fait gagnées par les travailleurs eux-mêmes grâce à la grève générale et à l’action directe » (p. 19). Sur ce point également, les leçons pour aujourd’hui « ne sont pas mince », glisse Jacquier.
P.-S. Puisqu’il est question de l’éditeur Libertalia, nous avons plaisir à signaler la nouvelle édition du témoignage d’Antoine Gimenez, Les Fils de la Nuit. Souvenirs de la guerre d’Espagne (2 vol. et un CD-Rom sous coffret, 998 p., au prix très doux de 22 €). L’appareil de notes, par « les Giménologues » – ainsi se nomme l’équipe d’historiens qui a établi ce superbe ouvrage – est « absolument colossal », comme le signalait André Loez, qui a donné une recension dans le supplément « Livres » du Monde (1er juillet dernier). Simone Weil est souvent évoquée par A. Gimenez. Patrick Drevet avait consacré une chronique à la première éd. de l’ouvrage (éd. L’Insomniaque et les Giménologues, 2006) dans les CSW XXXII-4, décembre 2004, pp. 541-545.
Robert Chenavier
jeudi 10 novembre 2016 :: Permalien
Recension du Maître insurgé parue dans Télérama du 26 octobre.
Alors que l’on commémore les 50 ans de la mort de Célestin Freinet, père de la fameuse pédagogie qui porte son nom, ses écrits sont réédités [1]. Restent-ils pertinents ? « Bien sûr ! Son esprit est même plus que jamais d’actualité, car ce n’est pas une méthode figée, mais un mouvement qui propose, quelles que soient l’époque ou la société, des savoirs en action », expliquent Grégory Chambat et Catherine Chabrun, enseignants et fondateurs du collectif Questions de classe(s), à l’origine de la publication de ces textes. Expression libre des enfants, imprimerie au sein des écoles pour éditer des journaux, correspondance entre établissements... Freinet voulait aider les élèves à comprendre et à transformer le monde, pas seulement leur apprendre à lire, écrire et commenter.
Autre grande spécificité des « écoles Freinet » : être des établissements de la République, gratuits et agréés par l’éducation nationale. « à la différence de biens des courants dits "de pédagogie alternative", on les trouve la plupart du temps dans les quartiers populaires. Ce ne sont pas des écoles de la réussite individuelle, mais des espaces où l’on s’entraide pour apprendre, et où les enfants sont des acteurs de leurs apprentissages plutôt que des consommateurs de savoir. »
Lorraine Rossignol
[1] Célestin Freinet, Le Maître insurgé. Articles et éditoriaux, 1920-1939, éd. Libertalia, 10 €.