Le blog des éditions Libertalia

Plutôt couler en beauté sur le site Mr Mondialisation

jeudi 20 juin 2019 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Recension publiée sur le site « Mr Mondialisation », le 16 juin 2019.

Introduction à une éthique de l’effondrement

Essai rédigé à la première personne, Plutôt couler en beauté que flotter sans grâce de Corinne Morel Darleux est une invitation à repenser notre éthique face à l’effondrement afin de préserver notre humanité. L’auteure nous livre un propos poétique et surprenant, rythmé par les aventures et pensées de guides discrets, le navigateur Bernard Moitessier et l’écrivain Romain Gary.

L’assèchement des perspectives d’avenir remet profondément en cause notre être au monde et nos actions tant individuelles que collectives. Ce nouveau paradigme, celui qui a comme horizon l’effondrement, interroge notre condition au temps présent, argumente Corinne Morel Darleux dans Plutôt couler en beauté que flotter sans grâce (Libertalia, 2019). Pour pallier la perte de repère, retrouver du sens à nos vies, l’auteure propose de réenraciner l’agir dans les espaces de liberté sur lesquels nous avons encore (un peu) prise, et selon une nouvelle éthique, celle de la « dignité du présent ». C’est cette dernière qui peut désormais nous guider, à une époque où chacun commence à percevoir sa propre fragilité dans un monde plus que jamais incertain.
« La dignité du présent est ce qu’il nous reste de plus sûr face à l’improbabilité de victoires futures, de plus en plus hypothétiques au fur et à mesure que notre civilisation sombre », écrit ainsi l’auteure.
En effet, au moment où les rapports scientifiques qui se succèdent les uns après les autres ne font qu’obscurcir un tableau déjà peu réjouissant, notre avenir commun est plus que jamais compromis. Comment alors ne pas céder aux tentations égoïstes, au chacun pour soi, à une époque où les luttes collectives ne peuvent que très difficilement laisser entrevoir un avenir meilleur, étant systématiquement conspuées car incompatibles de fait avec le système économique dominant ? Ce sont ces questionnements essentiels qui sont au cœur du dernier essai de Corinne Morel Darleux, militante politique et de terrain.
La conseillère régionale Auvergne-Rhône-Alpes ne veut pas se résoudre à l’abandon des combats communs pour la défense des droits et l’égalité sociale, éléments indispensables si l’on veut empêcher le délitement : « On a pas le droit de flancher, il faut encore faire société, apprendre, lutter, accompagner », défend-elle. Néanmoins, l’auteure le concède en toute franchise :« Je n’assume pas de me désintéresser du sort de mes congénères. Mais je ne sais pas non plus que faire de ce sentiment pressant que je n’ai plus devant moi que quelques belles années ». Nombreux seront les militants éclairés de tous bords qui se reconnaîtront dans ces propos qui illustrent les tensions émotionnelles dont la réalité de l’époque contemporaine nous submerge.
C’est un difficile numéro d’équilibriste qui s’impose ainsi, entre la recherche de plaisirs individuels du quotidien pour continuer à vivre, la volonté de préserver autrui et celle de persévérer, malgré tout, dans les luttes. Nous reste toutefois, selon les mots de l’auteure, la possibilité de nous saisir des marges de manœuvre qui subsistent, d’aller chercher ces petites brèches de liberté. Nous pouvons refuser le toujours plus, ne pas céder face à la compétitivité, tenter de résister face aux promesses de l’ascension sociale. Nous pouvons encore nous émerveiller devant la nature – convoquée dans ces quelques pages à travers les symboliques lucioles – et qui bien que meurtrie, ne peut que forcer notre admiration. Mais il ne faut pas se mentir quant à la portée et l’efficacité de ces gestes.
C’est là, dans cette « marge humaine », que la dignité dont l’essai fait vœu trouve son sens politique. En effet, l’honnêteté, celle qui enjoint de ne pas répéter les erreurs passées, est de reconnaître « qu’il est vain de prétendre changer le monde » comme nous le connaissons. Celui-ci va inévitablement changer. Il change en ce moment même. « Tenter d’en préserver la beauté, en gage de notre humanité. Avant d’avoir tout saccagé », est peut-être en revanche encore à portée de main, se trouve-t-on à espérer avec Corinne Morel Darleux. Alors que les grandes lignes de notre futur semblent déjà écrites, réinscrire notre action dans le présent, sous l’impulsion d’une nouvelle éthique dont l’impératif de conduite serait le respect de soi et celui des autres, devient alors une voie pour s’affranchir.

Alain Damasio lit Corinne Morel Darleux

mercredi 12 juin 2019 :: Permalien

Extrait de la conférence « Désincarcérons le futur : surveillance partout, utopie nulle part ? » à La base (Paris, 5 juin 2019).

Mon histoire de Rosa Parks dans La Révolution prolétarienne

mercredi 12 juin 2019 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Publié dans La Révolution prolétarienne (juin 2019)

Personnage dont le nom est connu comme un symbole des luttes pour les droits civiques aux États-Unis, Rosa Parks (1913-2005) avait publié ses mémoires en 1992 aux États-Unis. Elles sont enfin traduites en français dans une édition soignée (préface, appareil critique, illustrations, chronologie, index) en poche à un prix accessible. On y suit son parcours de son enfance et de sa jeunesse dans l’Alabama jusqu’à Détroit en passant par l’épisode qui l’a rendue célèbre, le boycott des bus de Montgomery.
Révoltée dès sa jeunesse par le sort réservé aux Africains-Américains, elle veut changer les choses et, pour cela, « il fallait que nous ayons de plus en plus de Blancs pour y arriver ». Ce qu’elle réclame avant tout, c’est le respect et l’égalité de traitement entre Blancs et Noirs pour être considérée comme « une personne normale ». Dans son histoire personnelle, on voit d’ailleurs que ces notions sont avant tout construites socialement car elle a elle-même des ascendants « blancs » : le père de son grand-père était un soldat yankee venu dans le Sud pendant la guerre de Sécession tandis que la grand-mère de son père était une métisse avec du sang indien.
En 1932, Rosa McCauley – son nom de jeune fille – épouse Raymond Parks, barbier de profession et courageux activiste de la National Association for the Advancement of Colored People (NAACP) dans une période où militer expose à un danger mortel face aux membres du Ku Klux Klan. Avec lui, elle s’engage en faveur des Scottsboro Boys, neuf jeunes noirs qui ne se connaissaient pas avant leur arrestation pour le viol de deux femmes blanches. En 1943, elle devient secrétaire du comité local du NAACP et entame un combat pour son inscription sur les listes électorales qui aboutira deux ans plus tard. En 1949, elle devient conseillère.de la section jeunesse du NAACP et, en 1955, elle rencontre pour la première fois Martin Luther King Jr. C’est le 1er décembre de cette année-là qu’elle est arrêtée par la police pour ne pas avoir donné sa place à un Blanc dans un bus de Montgomery. Reconnue coupable quelques jours plus tard, le soutien s’organise en sa faveur autour d’un boycott des bus de la ville, majoritairement fréquenté par les Noirs, qui va durer durant plus de 300 jours. En novembre 1956, la ségrégation dans les bus est déclarée anticonstitutionnelle par la Cour suprême. L’année suivante, Rosa Parks déménage à Détroit. Durant les années 1960, elle participe aux grandes marches pour les droits civiques (Washington, 1963 ; Selma-Montgomery, 1965). De 1965 à sa retraite en 1988, elle travaille pour le représentant démocrate noir de Détroit au Congrès, John Conyers. Voilà, résumé en quelques dates, quel a été l’itinéraire d’une personne ordinaire dont l’action provoqua des changements de fond que d’aucuns auraient jugé extraordinaires à l’époque où la ségrégation était la norme dans les États du Sud.
Au-delà des images d’Épinal et des hommages unanimistes, cette autobiographie donne une épaisseur humaine à un nom souvent mythifié en rappelant avant tout le caractère universaliste de son combat.

Louis Sarlin

Une culture du viol à la française dans l’émission Sortir du capitalisme

vendredi 7 juin 2019 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Émission Sortir du capitalisme (mai 2019) consacrée à « La culture du viol. Une légitimation sociale des violences sexuelles » autour des livres En finir avec la culture du viol (Noémie Renard, Les petits matin) et Une culture du viol à la française (Valérie Rey-Robert, Libertalia).

Plutôt couler en beauté sur Le Fil des communs

vendredi 7 juin 2019 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Publié sur Le Fil des communs, 3 juin 2019.

Nous connaissions Corinne Morel Darleux pour son engagement au sein du Parti de Gauche et son combat pour l’écosocialisme. Sa hauteur intellectuelle n’a sans doute pas échappé à celles et ceux qui ont pris le temps de la suivre, de l’écouter, de la lire. La conseillère régionale d’Auvergne-Rhône-Alpes publie cette semaine un bel essai, à la trempe philosophique et littéraire, naviguant au fil de l’engagement pour une vie et un monde qui aient du sens. Ce sont 33 réflexions qui démarrent sur le cas Bernard Moitessier. Parti d’Angleterre et ayant franchi les trois caps légendaires de Bonne Espérance, le grand navigateur décide de ne pas rentrer. Moitessier marque alors les esprits avec son récit La Longue Route dans lequel se dégage une critique la société de consommation et de l’action humaine détruisant la nature. Corinne Morel Darleux y décèle un refus de parvenir, concept qu’elle développe à partir de sa propre expérience et de ses convictions politiques. C’est un acte de liberté, une émancipation de la tutelle et de l’autorité, une lutte contre l’hubris et la démesure, un outil au service de ce grand partage à établir. Le refus de parvenir est également une façon de réinvestir sa souveraineté d’individu. La dignité du présent vient alors donner de l’éthique aux façons que nous avons d’agir. Corinne Morel Darleux plaide pour une réflexion argumentée, celle qui permet les élans de liberté et de conscience aiguisée.
L’auteure ne dissocie aucunement le geste individuel de l’acte collectif. Elle ne cesse même à aucun instant de les imbriquer, brillamment. Elle perçoit dans l’enjeu universel à préserver les conditions de vie sur Terre une façon de réactiver la notion d’intérêt général. Face au réchauffement climatique, Corinne Morel-Darleux rappelle que la somme des actes individuels ne suffira pas. C’est bien au libre-échange et au capitalisme qu’il faut s’attaquer pour répondre à l’urgence environnementale. L’auteure plaide enfin pour un saut culturel car nous avons besoin d’un nouvel ordre imaginaire. Et pour cela, il faut mêler davantage création artistique, souci environnemental et critique sociale.
Avec de nombreuses références à l’appui, de Pasolini à Édouard Glissant, en passant par Romain Gary ou Cynthia Fleury, Corinne Morel Darleux livre un ouvrage passionnant qui donne à penser et à agir. Une belle ouverture sur des horizons émancipateurs.

Clémentine Autain