Éditions Libertalia
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jeudi 4 mai 2017 :: Permalien
L’émission La Fabrique de l’Histoire du 16 janvier 2017, sur France Culture, recevait William Blanc pour Le Roi Arthur. Un mythe contemporain :
www.franceculture.fr/emissions/la-fabrique-de-lhistoire/le-moyen-age-en-mouvement-14-retrouver-les-barbares
jeudi 4 mai 2017 :: Permalien
Le Roi Arthur de William Blanc, dans le numéro spécial 34 de la revue Historia, mars-avril 2017.
La légende arthurienne ne s’est jamais aussi bien portée. Elle réapparaît régulièrement depuis une quarantaine d’années à travers la fantasy, la musique, le ciné, les séries TV, les jeux vidéo, la BD... L’exploitation de ce corpus et ses avatars sont analysés par le médiéviste William Blanc dans ce volume illustré. De Mark Twain à Steven Spielberg, du rappeur Jay Z à Alexandre Astier (dont la série Kaamelott sera adaptée au grand écran en 2017), accrochez-vous pour une surprenante traversée spatio-temporelle dans ce méga-univers arthurien, qui nous renseigne sur les peurs et les espoirs fous de nos sociétés.
Véronique Dumas
jeudi 4 mai 2017 :: Permalien
William Blanc était l’invité de Culture Prohibée en décembre 2016 pour une émission spéciale sur Le Roi Arthur, un mythe contemporain.
mercredi 3 mai 2017 :: Permalien
Texte écrit par Louis Janover à la mémoire de Miguel Abensour, mort le samedi 22 avril. Publié conjointement sur les sites de Smolny et de Libertalia. Photo : Yann Levy
Pour Miguel,
Je voudrais seulement dire quelques mots sur ce qui a été tellement important dans l’amitié qui me liait à Miguel et qui je crois a la même importance dans son œuvre. C’est sur cette part que je veux mettre l’accent parce qu’elle n’apparaît pas toujours dans ce qu’on sait de lui. On a tendance, quand on parle de sa place comme penseur, à insister sur ce qu’il a apporté dans le domaine de l’utopie à une époque où elle avait été plutôt reléguée dans ce qu’on appelait le pré-marxisme. On peut dire à juste titre que c’est en grande partie grâce à Miguel que cette pensée est redevenue présente parmi nous, et c’est une part de notre rapport amical qui se retrouve là parce que cela rejoignait la pensée du surréalisme, qui était loin de lui être étrangère.
Tout était alors à redécouvrir et c’est à ce moment que j’ai connu Miguel. Mais surtout on mesure mal ce qu’a représenté sa collection pour sa pensée et pour un certain milieu intellectuel qui pouvait enfin discuter de l’importance de l’école de Francfort et de bien d’autres auteurs. Cela s’est fait dans un ensemble d’idées très cohérent que Miguel a condensé dans ce qu’il appelle une reconstitution des critiques pratiques de la politique.
Pour le comprendre, on doit se rappeler que le livre de Maximilien Rubel, Marx critique du marxisme, est le troisième livre de sa collection Critique de la politique. Cette publication marque une date dans l’histoire, car toute la pensée critique et révolutionnaire était alors dominée par le marxisme, et personne ne le dissociait de Marx. Faire ce pas, c’était se mettre d’une certaine façon en dehors du camp de la servitude volontaire, et c’est à travers ce retrait que Miguel Abensour a inscrit sa critique. Il faut imaginer ce que cela signifiait à l’époque pour se faire une idée de la responsabilité qu’il prenait. Cela continuait la critique de Socialisme ou Barbarie et lui donnait un nouveau sens.
Le mouvement auquel se rattachait alors la pensée de Miguel, c’était celui innervé par le socialisme des conseils. La collection, comme sa pensée, s’en est trouvée fortement marquée et c’est dans cette direction qu’il n’a cessé de s’orienter. En dépit de multiples sollicitations politiques, il a su garder intacte cette pensée critique qui était pour lui ce que Marx appelait la « démocratie vraie ». Il n’a jamais varié sur ce point, comme en témoignent ses livres et ses articles. C’est le sens notamment de sa contribution à la revue les Études de marxologie, qui unissait Marx et l’utopie. Il a également écrit un texte en faveur de la Pléiade de Rubel, « Pour lire Marx », qui est paru dans la Revue française de science politique, en 1970. Il a été repris chez Sens et Tonka en 2008. Miguel m’a souvent raconté que des collègues bien intentionnés ne se sont pas fait faute de lui faire savoir clairement à quoi et à qui il s’exposait.
Le troisième titre publié par Miguel, en 1974, dans Critique de la politique est de Rubel. La reprise de la collection chez Klincksieck, en 2016, quarante ans plus tard, commence par la réédition de l’ouvrage clef de celui-ci, Karl Marx. Essai de biographie intellectuelle. C’est la fidélité à une même pensée de l’émancipation qui sert à Miguel de fil conducteur, au point qu’il préparait la publication de la correspondance de Pannekoek avec Rubel. De la même manière, il a tenu à rééditer sans attendre un ouvrage capital, Le Mythe bolchevik, le témoignage d’Alexandre Berkman, un anarchiste qui remet dans une perspective nouvelle cette histoire.
On voit ce qu’il en est de la persistante présence de cette interrogation chez Miguel et dans quel sens elle oriente sa recherche. Cette pensée m’a très tôt liée à lui, et s’il est parmi nous et avec nous, c’est à travers cette œuvre. Miguel a condensé sa réflexion à travers l’évocation de sa vie dans un Entretien qui date de 2014 et qu’il a mené avec Michel Enaudeau. Il a pour titre laboétien La communauté politique des « tous uns ». Le sous-titre se lit Désir de liberté Désir d’utopie sans ponctuation, ce qui résume en quelque sorte son point de vue. L’un est inclus dans l’autre, comme changer la vie et transformer le monde.
L’utopie, c’était aussi pour Miguel l’idée que Breton exprime dans le Second Manifeste du surréalisme qui assigne à l’homme « de ne pouvoir faire moins que de tendre désespérément à cette limite ».
La dédicace qu’il me fit à cet Entretien définit le sens de notre amitié. « Pour Louis, mon ami et mon premier lecteur qui ainsi me donne la force et le courage de continuer. » Je peux dire que cette lecture me donne aussi la force et le courage de continuer.
Louis Janover, 25 avril 2017.
vendredi 14 avril 2017 :: Permalien
Publié dans Orient XXI, le 14 avril 2017.
Tel Aviv a été déclarée en 2012 « meilleure ville gay du monde » à l’issue d’une enquête menée par le site gaycities.com et American Airlines, ce qui lui vaut une fréquentation touristique conséquente, notamment en juin, au moment de la Gay Pride. Mais cette image « sea, sex and sun » d’ouverture et de tolérance présentée à l’Occident n’est qu’un mirage, selon Jean Stern. Car Israël, pays à la fois colonisateur et largement homophobe, a du mal à passer pour un défenseur des libertés, même si sa politique de communication tente en permanence de le faire croire.
Tel-Aviv est devenue l’une des villes les plus « gay friendly » du monde. Les médias et les réseaux sociaux présentent la cité israélienne comme un havre de tolérance, et l’une des grandes destinations de la fête mondialisée. En 2016, 35 000 touristes gays – les femmes étant peu représentées – y ont débarqué pour participer à la parade annuelle de la fierté homosexuelle. Mieux, à en croire des centaines d’articles éblouis et de sites Web enthousiastes, le pays tout entier serait devenu un paradis pour les homos. Jusqu’à l’armée qui poste sur son compte Facebook, en 2012, la photo de deux soldats se tenant tendrement par la main et se vante d’avoir été la deuxième au monde, après celle des Pays-Bas, à reconnaître des droits aux militaires homosexuels, dès 1995.
Ainsi, Israël se présente-t-il à l’Occident comme un phare de la liberté individuelle et de la modernité au milieu d’un Proche-Orient rétrograde. Mais cette image est un mirage selon l’enquête de Jean Stern, qui fera sans nul doute grincer quelques dents. Cet ancien de Libération, journaliste chevronné aujourd’hui rédacteur en chef du magazine de la section française d’Amnesty International a été cofondateur du magazine Gai Pied, étendard de la cause homosexuelle dans les années 1980 et 1990. Il n’apprécie pas de voir tourner à plein régime la « lessiveuse rose » (« pinkwashing »). Comment un pays à forte tendance homophobe peut-il se faire passer pour un ami des gays ? Car les Israéliens estiment à 46 % que l’homosexualité est une perversion, selon un sondage paru en 2014 dans le quotidien israélien Haaretz, opinion partagée par seulement 10 % des Français. Comment un État qui réprime et colonise un autre peuple peut-il passer pour un défenseur des libertés ? « Modèle de domination pour les islamophobes et les réactionnaires, Israël s’offre en modèle pour les homosexuels », déplore Jean Stern – ce dont profite évidemment le gouvernement de Benyamin Nétanyahou.
La marque Israël.
Passant derrière le miroir, le journaliste décortique avec alacrité, au fil d’une enquête sur place, les ressorts cachés de la rencontre entre une communication officielle sophistiquée et une communauté homosexuelle nationale et internationale avide de normalité et insensible aux réalités de la région. Au commencement était le marketing. Le succès de « Tel-Aviv capitale gay mondiale » est avant tout une réussite des techniques parfaitement maîtrisées de la hasbara, la propagande israélienne. L’image catastrophique du pays qui s’est aggravée depuis les années 2000 et la seconde intifada palestinienne a conduit notamment la ministre des Affaires étrangères Tzipi Livni à créer en 2007 une Israel brand management team (équipe de gestion de la marque Israël). Objectif : attirer les touristes, devenus trop rares, en effaçant l’occupation, le mur, les Palestiniens opprimés, les colonies et même la réussite de la high-tech, trop liée aux armes et au ministère de la défense. Il faut aussi faire oublier les pèlerinages chrétiens, vus comme ringards et pratiqués par des fidèles désargentés. Place à Tel Aviv, ses bars branchés, ses plages et sa vie nocturne. Et ses beaux garçons. C’est un diplomate israélien qui fut en poste à New York, David Saranga, spécialiste des réseaux sociaux et des ripostes numériques, qui a le premier l’idée de rajouter un volet spécifique : vendre « la vie gay plutôt que la vie de Jésus aux libéraux gays américains ».
La lessiveuse rose se met en marche, pilotée par l’État et la municipalité de Tel Aviv : campagne de promotion confiée à un cabinet spécialisé dans le marketing gay basé aux Pays-Bas, subventions massives, prise en main de la « semaine de la fierté » annuelle par la mairie, qui illumine la façade de l’hôtel de ville aux couleurs du drapeau arc-en-ciel, gigantesque party pour 10 000 personnes dans le stade de football, etc. Une bulle au milieu de la guerre. Ramallah, la « capitale » de la Cisjordanie est à 60 kilomètres. En levant les yeux vers la mer, les fêtards peuvent voir passer les avions et les hélicoptères qui vont bombarder la bande de Gaza, distante de 75 kilomètres. Mais ils ne veulent pas le savoir. Au cœur des festivités, la réponse aux questions de Jean Stern est toujours la même. Prêts à s’épancher sur le combat des minorités et la liberté, les personnes interrogées « ne savent pas trop » et « manquent d’informations » sur la Palestine, « c’est compliqué ».
La « lessiveuse rose »
Bref, ils s’en fichent ; la lessiveuse rose nettoie également à l’intérieur. Le livre présente dans son cahier photos un adjoint au maire de Tel Aviv, major de réserve, et son mari, capitaine, posant fièrement en uniforme avec leurs trois filles, nées par gestation pour autrui (GPA), grâce à des mères porteuses en Inde et en Thaïlande. Une photo qui demande à être décodée tant elle résume à elle seule les ingrédients du « mirage gay ». Pour se marier, les deux hommes ont dû aller à l’étranger : le mariage pour tous n’est pas reconnu en Israël, pas plus que le mariage civil pour les hétérosexuels, d’ailleurs. Et ces gentils papas sont par ailleurs membres d’une armée d’occupation.
Mais quand on communique, il faut durer dans le temps en lançant de régulièrement de nouvelles initiatives. La mairie de Tel Aviv suit de près l’actualité, fût-ce à des milliers de kilomètres. En mai 2013, la conseillère presse du maire de Tel Aviv découvre à la télévision la cérémonie du premier mariage homosexuel en France après le vote de la loi du 17 mai 2013 « ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe ». Le maire de Tel-Aviv leur téléphone en personne pour inviter le couple tous frais payés à la parade gay. L’ambassadeur de France réclamera l’honneur de le loger à sa résidence. Dans leurs nombreux interviews, les mariés, militants LGBT, refusent de se prononcer sur la politique israélienne. Ils repartiront avec le titre d’« ambassadeurs d’honneur du gay Tel Aviv ». D’autres représentants de la mouvance homosexuelle suivront le même chemin, comme cette délégation de « gays progressistes » américains qui ne trouveront rien à redire à l’occupation.
Orientalisme sexuel.
Jean Stern décode, en commençant par l’exploitation du néo-orientalisme qui attire nombre d’homosexuels en Israël. Pour lui, les Juifs orientaux, les mizrahi, remplaceraient dans l’imaginaire gay la figure de l’Arabe, objet de désir exotique de Lawrence d’Arabie à André Gide en passant plus récemment par les banlieues parisiennes, mais désormais moins accessible dans un monde devenu plus dangereux. « Comble pour un pays de plus en plus raciste, Israël utilise sa diversité pour relancer l’orientalisme sexuel ». Chez les Israéliens, pourtant, on se mélange peu, comme en témoigne la saisissante description de cette boîte de nuit qui organise une fois par mois deux soirées gay successives, l’une pour les « Arabes israéliens », les Palestiniens d’Israël restés sur place en 1948, la suivante pour les Israéliens juifs. La lessiveuse rose fait aussi disparaître les réalités sociales.
Les touristes gays, en général aisés, ne voient rien de la pauvreté engendrée par un État aujourd’hui ultralibéral. Une cécité qui découle plus généralement de l’orientation que des sociologues qualifient d’« homonationalisme », « avatar parmi d’autres de la lutte mondiale entre oppresseurs et opprimés » qui fait tenir à beaucoup d’homosexuels blancs un discours anti-arabe. Les voix des militants qui dénoncent cette dérive sont peu audibles. La tête pensante de la « révolution gay », Gal Uchovsky confie à l’auteur : « L’occupation n’intéresse plus les gays de Tel-Aviv. Moi-même, et plein de gens comme moi, on est en train de devenir complètement mainstream, on a rejoint le monde normal ».
Pierre Prier