Éditions Libertalia
> Blog & revue de presse
mercredi 9 mars 2016 :: Permalien
Par Luc Cédelle, dans Le Monde-La Lettre de l’éducation du 7 mars 2016.
Véronique Decker, directrice d’école dans une commune de Seine-Saint-Denis, est un personnage attachant, à la fois totalement non représentatif et absolument représentatif. De la directrice ou de la maîtresse « moyenne », au cas où cet adjectif aurait un sens, elle ne saurait être représentative. Elle réunit en effet une série d’attributs qui, additionnés, font d’elle une super-minoritaire : pédagogie Freinet + militante Sud-éducation + exerçant en milieu réellement difficile + engagée dans la défense du droit à la scolarité des enfants roms. En même temps, sans avoir pris pour cela d’autre décision que celle de rester à son poste et d’agir au mieux, elle concentre sur ses épaules la quintessence des problèmes auxquels l’Éducation nationale doit faire face là où rien n’est acquis d’avance. Enfin, elle incarne aussi à merveille la figure du fonctionnaire à l’exact inverse de la caricature, c’est-à-dire passionnément épris de sa mission et rétif à la hiérarchie lorsque celle-ci manque de courage. Tournées avec faconde et humour (bien que certaines soient tristes à pleurer), ses chroniques de la vie quotidienne de son école sont absolument à lire si l’on veut comprendre quelque chose aux problématiques de l’enseignement dans les quartiers populaires les moins bien lotis.
Luc Cédelle
jeudi 3 mars 2016 :: Permalien
Je vous écris de l’usine dans Le Monde diplomatique (mars 2016).
Auteur de Putain d’usine (2002), qui rencontra un écho exceptionnel pour un témoignage ouvrier, Jean-Pierre Levaray a collaboré durant dix ans au mensuel CQFD. Il y a tenu jusqu’à son départ à la retraite, après quarante ans de travail dans l’industrie chimique, une chronique intitulée « Je vous écris de l’usine ». Il reprend ici l’intégralité de ces articles, qui permettent de comprendre le blues de la classe ouvrière et rendent de leur dignité aux sans-grade. Se mêlent le récit des jours et des nuits à l’usine, dans la réalité la plus prosaïque du travail posté ; les combats syndicaux, les grèves locales ou nationales ; les portraits, souvent bienveillants, parfois cruels, des collègues de travail et ceux, plus acides, de la hiérarchie et des cadres dirigeants ; la maladie omniprésente, et parfois le décès, des copains de boulot, à cause des ravages de l’amiante ; en 2001 la catastrophe d’AZF à Toulouse et ses suites, dans une usine similaire du même groupe ; et les manœuvres de Total pour se dédouaner face à l’opinion et à la justice. [CJ]
C.J.
jeudi 3 mars 2016 :: Permalien
Trop classe ! dans Le Café pédagogique.
C’est quoi enseigner en Seine Saint-Denis ? De nombreux livres catastrophes sont publiés. Le petit livre de Véronique Decker n’est pas optimiste. Mais il raconte trente années d’enseignement dans les quartiers populaires, quinze années de direction d’école à Bobigny, sans mépris et sans ressentiment pour les enfants et leurs parents. Pas de pitié non plus. Mais de la solidarité. De la classe, on vous dit...
« Pour parler de la banlieue sans jamais nommer les pauvres, les Arabes, les Noirs et les Roms qui composent désormais la classe sociale majoritaire en nombre d’habitants, l’État a dû inventer d’exquises circonvolutions de langage… Ainsi il y a des “quartiers”… Les antiracistes s’exclament “mais non ce n’est pas vrai ! il n’y a pas de territoires perdus !” Ben si. Il y a des quartiers où plus rien ne fonctionne bien et où on a perdu les services sociaux de l’État. »
Véronique Decker enseigne depuis trente ans à Bobigny. C’est ce chemin qu’elle raconte dans un petit livre bien écrit, en brossant un tableau composé de petites scènes vigoureuses, touchantes, drôles parfois, qui constituent au final un témoignage unique sur le métier d’enseignant dans le département le plus pauvre de métropole.
« J’ai toujours beaucoup aimé enseigner en Seine-Saint-Denis », écrit-elle. « Je sais, ce que je dis n’est pas à la mode. Il faut se plaindre de nos conditions de travail exceptionnellement dures, des racailles, de la République abandonnée… C’est vrai que c’est difficile, rugueux, complexe… Mais j’aime ces enfants-là. »
Alors Véronique Decker raconte son combat pour que les enfants roms soient scolarisés. Elle raconte aussi que la République est toujours là, notamment avec les conseils d’élèves de son école Freinet : « Les conseils d’élèves, lorsqu’ils disposent de véritables pouvoirs sont notre meilleure garantie de construire un avenir plus juste avec des enfants formés à une démocratie ancrée dans le sol. » C’est toute une philosophie et une pratique de l’école que son livre restitue par petites touches.
Mais quel est le fil ? Très clairement c’est la solidarité. L’ouvrage n’est pas un livre de plus sur la pédagogie Freinet. Ce n’est pas un brûlot syndical sur les revendications du personnel enseignant dans le 93. Trop classe ! est juste le récit d’une solidarité exigeante entre une enseignante et son quartier populaire. C’est juste le vécu d’une femme qui porte réellement des choix éthiques, avec courage mais sans se raconter d’histoires.
Trop classe ! est au croisement de ce qu’est le métier d’enseignant. Un engagement pour une école au service du peuple. Une aventure collective d’adultes. Un chemin personnel sans concessions. Une vie qui brûle.
François Jarraud
jeudi 3 mars 2016 :: Permalien
Trop classe ! sur le blog « Classe buissonnière »
Les livres de profs du 9-3 sur le 9-3 ce n’est pas ce qui manque. Ce département et ses habitant-e-s alimentent les fantasmes les plus variés, surtout chez celles et ceux qui ne le connaissent pas.
Mais le livre de Véronique Decker ne sera pas à ranger dans la longue suite de plaintes, moqueries, ou pamphlets qui fleurissent régulièrement. Déjà, parce que même si on lui souhaite le succès qu’il mérite, ce livre n’est pas motivé par la volonté de faire un « coup » commercial. Aussi, car son auteure n’est pas une jeune enseignante tout juste arrivée qui pense avoir tout vu et tout compris en trois ans et qui s’empresse d’en faire un livre souvent bien caricatural dès qu’elle a pu s’enfuir et muter ailleurs, livre qui ressemble souvent plus à celui d’une reporter de guerre que d’une pédagogue. Non, Véronique Decker a travaillé plus de trente ans dans différentes villes du département et y habite. Elle y milite aussi si tant est qu’on puisse différencier complètement son travail de son militantisme quand on doit se battre pour que ses élèves puissent tous avoir un toit sur la tête. Mais cette longue expérience ne débouche jamais sur un ton donneur de leçons. Ce serait un comble pour Véronique qui a le souci de construire les savoirs avec ses élèves et de créer de « petites républiques d’élèves » dans son école Freinet mais publique et REP+, car il est évident que c’est avec les enfants du peuple que son travail prend tout son sens. Au contraire, le début du livre nous donne l’occasion d’observer ses premiers pas d’institutrice, ses découvertes, ses erreurs aussi.
Il est constitué de courtes tranches de vie, ce qui permet une lecture aisée à laquelle le style léger et souvent drôle de Véronique Decker ne nuit pas. Il serait possible de l’ouvrir au hasard et de lire une de ses courtes nouvelles ou d’en adopter une approche plus chronologique.
En tout cas, il se dévore puisqu’un trajet en bus d’un bout à l’autre d’une ligne de métro qui traverse le 93 et accessoirement relie mon lycée pro au local de mon syndicat, a presque suffi à le terminer. Quelques stations de ligne 13 ont permis d’avaler avidement les dernières pages.
Quand on parle de lecture aisée et de style léger cela ne saurait occulter que l’on a parfois les larmes aux yeux en découvrant les vies de certains enfants, pas plus haut que trois pommes, qui font largement mentir l’assertion selon laquelle nous naîtrions tous égaux. Heureusement, loin des clichés sur les fonctionnaires largement véhiculés, on voit aussi les trésors d’ingéniosité et de volonté déployés pour permettre d’armer au mieux les élèves. Mais la volonté ne suffit pas entièrement à pallier les manques criants du service public.
On se rappelle ainsi pourquoi on se bat et pourquoi l’indifférence est impossible quand on découvre dans quel abandon l’État et l’éducation nationale laissent les populations les plus fragiles.
On vous recommande chaudement ce livre qui réussit la gageure de devenir lui-même un outil pédagogique. À sa lecture, on imagine déjà à quels objets d’études de français en CAP il peut correspondre. On ne se refait pas !
vendredi 26 février 2016 :: Permalien
École obligatoire
Scolarisation des enfants Roms, école élémentaire Marie Curie de Bobigny
Réalisation montage : Jérôme Couroucé.
Un reportage sur la scolarisation des enfants roms de Bobigny (2012), avec Véronique Decker, auteur de Trop classe !