Éditions Libertalia
> Blog & revue de presse
mardi 5 mai 2015 :: Permalien
Interview publiée sur le blog Booketing le 8 janvier 2015.
Bruno Bartkowiak est un nom que j’ai longtemps cherché. Dans le sens du crédit graphique. Cela fait un moment que je suis de près le travail des éditions Libertalia et j’ai toujours apprécié les visuels de couverture (en plus du contenu des ouvrages). C’est un peu par hasard que je suis tombé sur le travail de Bruno, et quelle bonne surprise ! Aujourd’hui, je vous propose donc de découvrir son travail à travers la collection À Boulets rouges.
Qu’est-ce qui t’a inspiré pour les visuels de cette collection ?
L’identité graphique avec son logo et les illustrations de couverture de la collection « À Boulets rouges » se nourrissent à la fois du constructivisme russe et du langage signalétique. Ce sont deux de mes grandes influences pour l’ensemble de mon travail. Ici, suivant les couvertures, l’une peut être plus marquée que l’autre mais les deux sont toujours présentes. Un autre élément qui fait unité, c’est le choix arrêté des trois couleurs noir, rouge, et blanc ; trois couleurs caractéristiques, voire cliché mais c’est assumé, des différents courants socialistes et de critique sociale dans lesquels s’inscrit cette collection.
Le principe de trois couleurs se retrouve quasiment dans toutes les couvertures de Libertalia : généralement du noir et blanc avec une autre couleur. L’influence du suprématisme, et en même temps une référence aux illustrés populaires avec leur gamme de couleurs techniquement limitée – dans la même idée, depuis sa création, Libertalia fait appel à diver-se-s illustrateur-trice-s pour le contenu du texte, à l’image des romans populaires.
Ces doubles références, ce dialogue entre culture dite « savante » et culture dite « populaire », sont à la base même de tout mon travail. Pour « À Boulets rouges », comme dit plus tôt, on retrouve de l’avant-garde russe du début du XXe siècle tout autant que des principes du langage signalétique ou de la bande dessinée.
Ce qui fait lien aussi dans ces références et leur relation dialectique, c’est la simplicité apparente et la facilité d’accès au visuel ainsi créé. Il y a dans mon travail un rejet du maniérisme et du pédantisme inutiles, une recherche de l’efficacité mais sans compromis, réduction ou raccourci. Une vision et une praxis qui proviennent directement du mouvement punk, fondateur et directeur pour moi.
Qu’est-ce qui fait que les illustrations que tu as réalisées collent avec le contenu et le ton du bouquin ?
L’urgence et le ton direct du punk se retrouvent dans la collection « À Boulets rouges » dont le nom déjà parle de lui-même. Il s’agit de courts textes d’intervention, dans un format qui rappelle la brochure politique. L’habillage et les illustrations des couvertures jouent avec les codes associés à ce type d’ouvrage ; c’est revoir les relations que chaque élément entretient avec les autres pour réactualiser et étendre le discours produit – le punk est aussi un art du collage, du recyclage de clichés pour leur dépassement.
Comment tu es arrivé à bosser pour Libertalia ?
Encore le punk ! Je fais partie du noyau dur de Libertalia avec Charlotte et Nicolas. Avec ce dernier qui est à l’origine du projet, nous avons un long passé de projets communs ou se croisant dans la scène punk et redskin. Depuis la création de la maison d’édition en 2007, je m’occupe de la direction artistique. L’expérience et le métier sont venus consolider l’envie et la passion un peu inconscientes (punk quoi !) du début, et nous comptons aujourd’hui une soixantaine de titres à notre catalogue.
lundi 27 avril 2015 :: Permalien
Recension de Des hommes et des bagnes dans Vosges Matin, 16 avril 2015.
Autre texte fort attendu par La Pigne : Des hommes et des bagnes. Un vrai beau livre coédité avec Libertalia. Il s’agit des souvenirs inédits du Docteur Léon Collin, qui a voyagé au début du XXe siècle sur le bâtiment La Loire, notamment en Guyane, où il soignait les forçats en route pour le bagne. Le médecin a visité chaque endroit, pris des tonnes de notes, 150 photos sur le bagne de Guyane et de Nouvelle-Calédonie. « Son petit-fils m’a transmis deux énormes carnets qu’il m’a fallu retravailler, annoter, expliquer. » Un an et demi de travail acharné pour le prof d’histoire, tandis que Philippe Collin se chargeait du volet archives – conséquent également ! « C’est une réflexion sur le bagne, l’enfermement, le crime et le fait divers. C’est une galerie de portraits de criminels, de gens connus incroyables. On sent très fortement la présence de Dreyfus, par exemple… Progressivement, le Docteur Collin va s’insurger contre l’institution bagne avant de la condamner totalement. On sent la mort. Les plaques photos sont terribles. C’est aussi un exposé des bagnes, on y parle d’élimination, on y parle de déchets. C’est un document d’histoire totalement inédit qui prend d’autant plus de force qu’il émane d’un homme de sciences. »
LC
lundi 27 avril 2015 :: Permalien
Publié sur Bibliobs le 18 avril 2015
La droite identitaire affirme que la bataille de Poitiers est « une page fondatrice de notre roman national ». Deux historiens montrent au contraire que la place réservée à l’événement n’a cesse de fluctuer en fonction des intérêts politiques. Extraits.
« Je suis Charlie Martel », proclame Jean-Marie Le Pen au lendemain des attentats contre Charlie-Hebdo. Le fondateur du Front national s’est toujours délecté d’organiser des clivages dans la mémoire nationale. À en croire sa boutade, il y aurait deux France comme il y aurait deux Charlie : la France qui zigouille les Musulmans en 732 et celle qui se fait zigouiller par eux en 2015.
Jadis, renchérissent les théoriciens de la droite identitaire, des générations d’écoliers apprenaient à s’identifier au vainqueur de la bataille de Poitiers. La gauche au pouvoir aurait commis le crime d’expurger de force le héros des manuels scolaires. Encore un effet du politiquement correct, en somme.
Cette nostalgie d’une époque qui savait honorer Charles Martel ne repose pourtant sur aucun fondement : voilà ce que démontrent deux historiens, William Blanc et Christophe Naudin, dans un essai publié par les éditions Libertalia.
Les auteurs reviennent d’abord sur ce que l’on sait de la bataille de Poitiers. Ou, plus exactement, ce que l’on ne sait pas. Le lieu ? Il est si flou que les historiens anglo-saxons parlent de « The Battle of Tours ». La date exacte ? Selon les sources, elle varie de 731 à 734. Le but de l’expédition montée par les Arabes ? Le pillage plutôt que la conquête, semble-t-il. Quant au déroulement de la bataille, un chroniqueur de l’époque donne le chiffre fantaisiste de 365 000 Sarrasins tués…
Dans la deuxième partie, les deux historiens analysent les fluctuations de la place réservée à Charles Martel par la postérité. Un sujet très politique : car s’il n’était qu’un maire du Palais (un usurpateur en somme), c’était aussi le grand-père de Charlemagne. Comment se revendiquer de lui sans cautionner une atteinte à la légitimité royale ? Louis IX trouva la parade : faisant réaménager la basilique de Saint-Denis, il fit sculpter sur le tombeau de Charles Martel une couronne que celui-ci n’avait jamais portée dans la réalité.
Au XIXe siècle, c’est dans l’école que la bataille de mémoire se déplace. Avec, là aussi, des écarts spectaculaires. Héros de Chateaubriand et des manuels catholiques, Charles Martel s’efface progressivement sous la IIIe République. Dans le Petit Lavisse, best-seller de l’école laïque (137 000 unités par an jusqu’en 1939), pas une ligne, pas un mot sur la bataille de Poitiers et le grand-père de Charlemagne. Bref, ce héros national a tous les airs d’un intermittent du spectacle. À de longues périodes d’oubli succèdent des retours très politiques.
Mais une chose est sûre : cette figure guerrière a une grande capacité à frapper les esprits. Témoin sa présence récurrente dans le rap ou dans la chanson militante. En 2006 Magyd Cherfi, musicien du groupe Zebda, racontait comment il en était venu à évoquer le personnage dans une chanson. Ces dernières années, le voici devenu sauveur de la chrétienté pour Bruno Mégret, Oriana Fallaci, Anders Breivik, Renaud Camus, Lorànt Deutsch ou encore les leaders du mouvement xénophobe allemand Pediga… La manipulation de l’histoire est une tactique politique de plus en plus répandue et c’est une mission vitale de l’historien que de rétablir les faits.
Les deux auteurs s’y étaient attelés l’année dernière avec Les Historiens de garde. De Lorànt Deutsch à Patrick Buisson, la résurgence du roman national (écrit avec l’historienne Aurore Chéry). Leur ouvrage sur Charles Martel confirme la nécessité de ce travail de « fact checking » : une œuvre de salubrité publique. En exclusivité pour BibliObs, en voici deux extraits.
Éric Aeschimann
lundi 27 avril 2015 :: Permalien
Recension de l’ouvrage sur Charles Martel dans Les Inrocks, 19 avril 2015.
La bataille de Poitiers est devenue un enjeu mémoriel pour l’extrême droite. Dans un essai éclairant, deux historiens déconstruisent ce mythe qui pousse les frontistes à déclarer en janvier 2015 : « Je suis Charlie Martel. »
« Je suis Charlie Martel » ! Le 8 janvier dernier, au lendemain de la tuerie à Charlie Hebdo, ce slogan étrange résonnait à contretemps de l’ambiance d’unité au sein d’un peuple qui clamait l’unisson “je suis Charlie”. Ce détournement vicieux venait du mouvement d’extrême droite Génération identitaire. Jean-Marie Le Pen lui-même avait malicieusement adopté le slogan, rajoutant “si vous voyez ce que je veux dire”.
Mais que venait faire Charles Martel dans cette galère ? Simplement conforter dans le discours frontiste l’idée selon laquelle les musulmans vivant en France n’étaient que les lointains héritiers des troupes d’Abd al-Rahmân, battues à Poitiers en 732 par Charles Martel ! Dans un essai éclairant, Charles Martel et la bataille de Poitiers, de l’histoire au mythe identitaire, deux historiens, William Blanc, Christophe Naudin, se sont intéressés au destin de Charles Martel dans notre roman national. Pourquoi la bataille de Poitiers, opposant les Francs et les troupes du gouverneur d’al-Andalus Abd al-Rahmân, est-elle soudainement devenue un “enjeu de mémoire”, sinon un mythe identitaire ?
Un symbole de la lutte contre la population immigrée
Déjà auteurs d’un livre remarqué sur les instrumentalisations politiques de notre histoire par des historiens tendancieux, Les Historiens de garde (Inculte, 2013), les auteurs expliquent clairement que la bataille de Poitiers reste un événement mineur de notre histoire, tout en notant que l’événement « ne doit sa survie mémorielle qu’à l’utilisation qui en a été faite, depuis les années 1880, par l’extrême droite et le courant nationaliste ».
Charles Martel, symbole de l’histoire massacrée, symbole de la chrétienté résistant aux assauts de l’islam : la couverture de l’hebdomadaire Valeurs actuelles, le 5 décembre 2013, en fut un indice saisissant. Le souvenir de Charles Martel s’est en réalité politiquement construit depuis une quinzaine d’années seulement, même si dès le milieu des années 1970, une partie de l’extrême droite utilisa déjà la figure de Charles Martel comme symbole de la lutte contre la population immigrée, sous l’impulsion des thèses d’idéologues comme François Duprat ou Guillaume Faye.
Le début des années 2000 fut le moment de basculement du discours d’extrême droite sur la question de l’islam. Outre l’impact de l’essai de Samuel Huntington, Le Choc des civilisations (1996), tout change avec la guerre du Kosovo en 1999 qui voit les États-Unis prendre fait et cause pour les populations albanophones et musulmanes de l’ex-Yougoslavie. « Pour beaucoup de néodroitiers, c’est un signe que l’Amérique s’allie avec l’islam pour déstabiliser l’Europe. »
Le 11 septembre 2001 et la parution du livre d’Oriana Fallaci en 2004, La Force et la Raison, nourrissent parmi d’autres événements un discours islamophobe de plus en plus décomplexé. C’est dans ce contexte nouveau que le souvenir de Charles Martel est alors réactivé. Pour l’historien de garde Dimitri Casali, déjà dégommé dans leur précédent livre, Charles Martel aurait même été « gommé des programmes et des manuels pour complaire aux élèves musulmans » !
« Choc des civilisations » et « grand remplacement »
Dans le même esprit délirant, Lorànt Deutsch assimile, dans son best-seller Hexagone, la bataille de Poitiers à une invasion qu’il compare à un choc des civilisations tout en accusant certains historiens de nier cette réalité pour complaire à l’opinion. Quant au groupe Génération identitaire, il affirme clairement son objectif : « Remémorer à nos compatriotes la bataille de 732 et la figure de Charles Martel alors que l’on voudrait de plus en plus en effacer le souvenir pour mieux falsifier nos mémoires et faciliter ainsi le remplacement en cours ».
Le fameux « grand remplacement » théorisé par l’écrivain Renaud Camus en 2010 s’impose donc comme le cadre idéologique au sein duquel la figure de Charles Martel peut à nouveau être instrumentalisée. La France devrait ainsi, selon ces histrions islamophobes, saluer la mémoire de notre Charles Martel et faire de Poitiers le lieu symbolique d’une résistance culturelle.
Ce que rappellent pourtant Blanc et Naudin, c’est que la bataille de Poitiers n’est pas, historiquement, le choc que nombre d’auteurs ont imaginé. Les grandes figures de l’enseignement de l’histoire sous la IIIe République – Jules Michelet et Ernest Lavisse – ne consacrèrent que peu d’attention à l’événement. Dans son Histoire de France, Michelet minimise la bataille et remarque que la grande affaire militaire du règne de Charles Martel ne concerne pas les Sarrasins mais les peuples germaniques. Le manuel Lavisse ne consacre pas même une ligne à la bataille.
Les seuls moments dans l’histoire de France où Charles Martel se distingue comme figure historique correspondent à des moments de poussée patriotique et religieuse. Aux XVIIe et XVIIIe siècles, la figure de Martel est mobilisée par « les partisans de l’absolutisme qui font de son règne un moment d’affirmation d’un pouvoir central fort ». Et surtout, l’écrivain Chateaubriand, attaché à sa défense acharnée du Moyen Âge occidental et du génie du christianisme, dépeint la bataille de Poitiers comme un affrontement pour empêcher l’esclavage du genre humain !
À part ces poussées mémorielles, le souvenir de la bataille de Poitiers est resté flou, à la mesure de son impact limité sur notre histoire, contrairement à ce que tous les idéologues d’extrême droite voudraient faire croire aux élèves de France en leur martelant l’importance de Martel. De ce point de vue, l’essai de William Blanc et Christophe Naudin apporte une preuve éclatante de la manière dont l’histoire s’écrit et se réécrit sans cesse, de l’écart ténu qui subsiste, et parfois s’efface, entre le récit historique et le mythe politique.
Jean-Marie Durand
lundi 27 avril 2015 :: Permalien
Article publié sur le site du Huffington Post le 16 avril 2015.
« Je ne suis pas Charlie, je suis Charlie Martel ». C’est la formule-choc choisie par Jean-Marie Le Pen, deux jours après les tueries au siège de Charlie Hebdo et à l’Hypercasher, pour répondre à la polémique qui enfle autour de l’éventuelle présence du Front national au défilé prévu le dimanche 11 janvier. Le Président d’honneur du parti d’extrême droite reprend ainsi un slogan qui, déjà, circule sur les réseaux sociaux, notamment chez les Identitaires, qui mettent immédiatement en vente des t-shirts frappés du slogan « Je suis Charlie Martel ».
Le choix de ce personnage historique, vainqueur de la bataille de Poitiers en 732 face aux Sarrasins d’Abd al-Rahmân, ne doit rien au hasard. Depuis le début des années 2000, le Franc est l’objet d’utilisations politiques par l’extrême droite. Le président du MNR (mouvement dissident du FN), Bruno Mégret, se rend le 30 septembre 2000 à Moussais, site présumé de la bataille, et y prononce un discours fortement inspiré de la théorie du choc des civilisations de l’Américain Samuel Huntington, qui voit dans cet affrontement une étape fondamentale d’un conflit pluriséculaire entre l’Occident chrétien et l’Islam, à l’instar de la bataille de Lépante (1571) ou du siège de Vienne (1683). Le FN répond, lors de la Présidentielle 2002, avec une affiche titrant : « Martel 732-Le Pen 2002 ». La récupération se poursuit dix ans plus tard, lorsque le groupe Génération identitaire occupe le chantier de la mosquée de Poitiers, se référant une nouvelle fois à Charles Martel.
La mémoire de la bataille de Poitiers, et celle de son grand vainqueur, a pourtant connu des fortunes diverses. Charles lui-même se sert de son succès pour affirmer sa légitimité, notamment contre son allié (et néanmoins rival) Eudes d’Aquitaine, ancien champion de l’Église après sa victoire sur les mêmes Sarrasins, à Toulouse, en 721. Une bataille oubliée de l’histoire. Par la suite, l’image de Charles, particulièrement auprès des ecclésiastiques, se brouille, et surtout la bataille de Poitiers n’est pas considérée comme un affrontement décisif ou majeur. Il faut en fait attendre le début du xixe siècle pour que sa mémoire soit véritablement réactivée, notamment par l’écrivain Chateaubriand qui cherche à justifier les Croisades des XIe et XIIe siècles en les expliquant comme une revanche du raid de 732. Jamais cependant Charles Martel n’a été l’une des figures centrales du roman national, y compris dans les programmes scolaires, surtout en comparaison de Saint Louis, Jeanne d’Arc ou même Louis XI et Du Guesclin.
Les historiens aujourd’hui, étudiant tant les sources latines qu’arabes, s’accordent pour dire que la bataille a été décisive avant tout dans la rivalité entre l’Aquitaine et Charles Martel. Le véritable vaincu de Poitiers est probablement le duc Eudes, car l’issue du combat a permis aux Francs de mettre un pied dans le duché, et de se présenter en sauveurs. Les Sarrasins (en fait des Arabes, des Berbères et probablement des contingents locaux, des Wisigoths d’Espagne et de Septimanie) avaient déjà été sévèrement vaincus à Toulouse. Ils le sont une nouvelle fois cinq ans après Poitiers, après une incursion en Provence, cette fois près de Narbonne, une cité qu’ils occupaient depuis 719, et dont ils sont délogés quarante ans plus tard par le fils de Charles, Pépin le Bref.
Alors pourquoi cet engouement de l’extrême droite pour le grand-père de Charlemagne depuis une quinzaine d’années ? L’usage public de l’histoire dépend toujours du contexte, et l’intérêt pour le personnage est étroitement lié à la montée en France du sentiment islamophobe. En usant de la figure de Charles Martel, certains, d’Oriana Fallaci à Anders Breivik en passant par Éric Zemmour, tentent de faire croire que les musulmans de France et d’Europe seraient une armée d’envahisseurs et qu’il faudrait les expulser du territoire en usant de moyens militaires. L’idée n’est pas nouvelle. Édouard Drumont disait déjà la même chose en 1885, en pointant du doigt non les musulmans, mais les Juifs de France, qu’il voyait lui aussi comme des descendants des troupes d’Abd al-Rahmân.
Il est donc fondamental de se replonger dans la mémoire de la bataille de Poitiers, afin de la comprendre dans son véritable contexte, puis d’analyser les échos successifs rencontrés par son souvenir, dès le Moyen Âge et jusqu’à nos jours. Il est urgent de contrer les usages haineux qui sont faits de Charles Martel pour restituer le personnage dans sa réalité, dans ses ambiguïtés, dans sa complexité. Bref, il est temps de faire de l’histoire.
William Blanc et Christophe Naudin