Le blog des éditions Libertalia

"J’y suis, j’y reste !", plus qu’un slogan, une exigence

samedi 7 août 2010 :: Permalien

Parmi les projets à court terme de Libertalia, il y a la réédition (largement augmentée) du titre J’y suis j’y reste de Mogniss Abdallah. La rédaction est en cours et nous avons bon espoir de publier ce livre au début de l’année 2011. Un livre d’une cruelle actualité.

Il y a également un manuscrit sur une thématique assez proche - les questions postcoloniales -, mais nous n’avons pas encore reçu l’accord définitif de l’auteur, plus d’infos sous peu.

J’y suis, j’y reste !
Les luttes de l’immigration en France (1968-2010)

« J’y suis, j’y reste ! », c’est l’expression fédératrice d’une aspiration à s’installer durablement dans la société française. C’est une affirmation de soi, en nom propre et en nom collectif. Une exigence d’égalité des droits portée au fil de l’histoire des luttes par des acteurs différents.

Ainsi, lorsque les OS immigrés se battent à Renault contre la gestion coloniale de la main-d’œuvre et les salaires à la tête du client, c’est l’ensemble des relations de pouvoir à l’usine mais aussi le travail en miettes qu’ils remettent en cause, et qu’ils réussissent à transformer.

Lorsque les résidents des foyers Sonacotra font grève de la « redevance », réclament l’éviction des gérants autoritaires et racistes, ou encore le statut de locataires, ils contestent la marchandisation du logement et la logique même de contrôle coercitif d’un dispositif discriminatoire étendu, au-delà des immigrés, à bien d’autres couches sociales à domestiquer.

Lorsque la marche pour l’Égalité et contre le racisme défile à travers le pays en 1983 en demandant « justice pour tous », c’est toute la jeunesse, toute la société qui est interpellée sur le « délire sécuritaire » qui les mine.

Ce livre revient sur ces temps forts.

Il retrace au fil des luttes la continuité historique et les moments de rupture qui ont profondément transformé les visages de l’immigration.

Une réalité devenue incontournable de la société française, bien que la notion même d’immigration durable se trouve de nouveau remise en cause, à la fois par le pouvoir qui prétend « choisir » ses immigrés, ne plus les « subir », et par des gens eux-mêmes issus de l’immigration récusant leur assignation au statut d’éternels étrangers.

Certains, devenus conseillers du prince ou entrepreneurs de la mémoire, voudraient faire croire que tout ça, c’est de l’histoire ancienne, bonne pour les musées ou la nostalgie d’antan.

De l’histoire ancienne les tracasseries pour renouveler les papiers ? Pour aller et venir librement, pour réunir la famille ? Les inégalités multiples de statut ? La précarité organisée et les emplois fermés aux immigrés en situation régulière ? La préférence nationale ? Les crimes racistes ou sécuritaires ? L’islamophobie ? La Palestine ? L’impérialisme et la (re)colonisation ?

L’auteur
Mogniss H. Abdallah est journaliste et réalisateur. Fondateur de l’agence IM’média, il a été un acteur majeur des luttes de l’immigration au cours des années 1975-1995. Il a réalisé Douce France, la Saga du mouvement beur (1993) ; La Ballade des sans-papiers (1997) ; Que vaut la vie de Youssef ? (2001). Une première version de ce livre, nettement moins fournie, a paru en 2000 aux éditions REFLEXes.

Là-bas si j’y suis

vendredi 7 mai 2010 :: Permalien

Sylvie Tissot et Pierre Tevanian étaient les invités de Daniel Mermet pour l’émission "Là-bas si j’y suis" du jeudi 6 mai 2010 sur France Inter.

 Pour réécouter cet entretien : www.la-bas.org/article.php3 ?id_article=1927

RDV : Rencontre avec André Schiffrin le 29 avril à Paris

jeudi 22 avril 2010 :: Permalien

L’auteur et éditeur indépendant américain André Schiffrin a écrit trois livres importants, tous publiés aux éditions La Fabrique : L’édition sans éditeurs, Le contrôle de la parole, L’argent et les mots.

Il viendra nous présenter ses analyses sur la concentration de l’information - donc du pouvoir - entre les mains des grands groupes d’industrie et de communication jeudi 29 mai, à la CNT, 33 rue des Vignoles, 75020 Paris.

Cette rencontre sera suivie d’un concert avec le groupe La Rabia.

Entrée libre. Les bénéfices du bar seront reversés à la caisse de grève de l’éducation-93.

Dans les crèches People and Baby, on exploite et on licencie

jeudi 15 avril 2010 :: Permalien

Christophe Durieux est un patron qui se dit progressiste.

Il anime la société People and Baby : 80 crèches d’entreprises et de collectivités au compteur.

1000 salarié-e-s.

Pas de syndicats... sauf que depuis peu la CNT (anarcho-syndicaliste) s’est établie dans ce temple de la gestion sociale mâtinée de paternalisme et de libéralisme.

Le patron progressiste n’a pas aimé que ses salariées de la halte-garderie Giono (XIIIe arrondissement, Paris) se mettent en grève le 2 mars pour réclamer des augmentations de salaires et de meilleures conditions d’hygiène.

Le patron progressiste les a toutes mises à pied, puis en a licenciées trois pour "insubordination". Mais il a dû réintégrer la représentante de la section syndicale (RSS), une travailleuse protégée.

Depuis plusieurs semaines, les salariées en grève et les licenciées rappellent au patron le sens du mot "collectif".

Diffusions de tracts, occupations, manifestations et autres formes de protestation se multiplient.

Tout est là : http://petiteenfanceenlutte.over-blog.com/

Les salariées et les licenciées de People and Baby ont besoin de votre aide logistique, politique et financière.

C’est nous qui travaillons, c’est nous qui décidons !

Libertalia dans Le Matricule des anges

samedi 27 mars 2010 :: Permalien

Dans le numéro 111 du Matricule des Anges, le mensuel de la littérature contemporaine, on peut lire le portrait suivant. La revue est disponible en kiosques et par abonnement.
 Voir en ligne sur www.lmda.net

Des murs à abattre

Le drapeau noir flotte sur Libertalia, jeune maison d’édition pleine de ressources. C’est une terre d’accueil ouverte à la culture alternative et aux paroles insoumises.

Les éditions Libertalia ont trois lieux de vie : à Paris, rue Voltaire, au Centre international de culture populaire où est établi leur siège ; rue des Vignoles, à la CNT, quartier général de l’anarcho-syndicalisme. Enfin à Montreuil où naissent les livres, non loin du hangar de La Parole errante cher à Armand Gatti. Sur leur blog, cette phrase de Brecht : « Celui qui combat peut perdre. Celui qui ne combat pas a déjà perdu ». Libertalia, c’est une « colonne vertébrale » de trois personnes : Nicolas Norrito, Charlotte Dugrand et Bruno Bartkowiak.
« On ne veut pas gagner d’argent avec la maison d’édition. On bosse à côté. C’est un gage de pérennité » explique le premier, prof de lettres dans un lycée. Aussi à l’aise sur scène (ex-bassiste) que sur un ring. « C’est un touche-à-tout » dit Charlotte, pigiste correctrice chez Prisma. Après un IUT métiers du livre à Aix-en-Provence, elle a cofondé les éditions Egrégores. Bruno, graphiste toulousain, complète l’équipe.
Les livres que le trio publie montrent une fascination pour les textes de combat. À coups de rééditions ou d’inédits - balayant les champs de l’essai, de la fiction et du pamphlet, Libertalia explore les marges - et donne voix aux réfractaires. Ressort les mémoires de bagne de l’ancien de la bande à Bonnot, Eugène Dieudonné, s’enthousiasme pour Jack London et Gaston Leroux, se moque de Finkielkraut, décortique les mécanismes de La Terrorisation démocratique. Et frappe juste quand elle rassemble les chroniques d’un saisonnier de la misère, Thierry Pelletier (La Petite Maison dans la zermi), accompagnées par une quinzaine de dessinateurs. Il y a du muscle et de la colère dans ce catalogue poussé par les vents de l’utopie pirate. L’action libertaire se nourrit du proche et du lointain : ici à Vincennes avec les sans-papiers, là en Palestine, en Inde, ou au Chiapas. Rencontre avec deux voyageurs, Nicolas et Charlotte, sous le signe du « on », porte-parole d’une aventure collective.

Le premier livre de Libertalia sort en février 2007. Quel était le projet de départ ?
On publiait déjà un fanzine de contre-culture, Barricata, bien diffusé dans la scène musicale punk/rock et rap. Pendant les concerts, on souhaitait mettre sur nos tables de presse des bouquins qui nous plaisaient. Et il y eut ce coup de cœur pour la nouvelle de Jack London, Le Mexicain. L’histoire de ce petit boxeur révolutionnaire qui combat pour financer l’achat de 5 000 fusils permettant de renverser le dictateur Porfirio Diaz. On s’est dit : puisque personne ne le réédite, on s’en charge. Notre culture, c’est le « Do it yourself ». On a donc lancé la maison d’édition sans réfléchir et sans un euro. Le père d’un copain, Jean-Pierre Siméon, nous a donné quelques conseils…

Pourquoi cette grande place accordée à l’illustration ?
Au début, la maison d’édition s’est beaucoup reposée sur Barricata. Notre héritage, c’est la bande dessinée et la littérature populaire, l’anti-élitisme. Le dessin est plutôt un mauvais genre… Nous défendons une culture populaire accessible à tous. Pour nous, c’est aussi une façon de faire bosser les copains, souvent de vrais galériens. Libertalia sert à ça. Il y a un côté famille, tribu.

Vous recourez à la vente directe. On peut aussi acheter des livres sur votre site. Est-ce à dire que vous ne croyez pas à l’avenir des librairies ?
Non, ce mode-là de diffusion est important, il représente les 2/3 des ventes environ. Près de 80 librairies suivent à fond notre catalogue. Mais on sait que certains titres trouveront difficilement leurs lecteurs en librairies, comme le livre de photos de Yann Levy, Marge(s). On assume. D’autres circuits prennent le relais : le réseau militant et le réseau musical. Par exemple, Feu au centre de rétention (de Vincennes) a été soutenu par des collectifs de solidarité avec les sans-papiers. Nous avons reversé l’ensemble des droits, soit quelque 8 000 €.
Nos copains de la K-Bine, un bon groupe de rap conscient, qui revendique l’autonomie du 93, diffusent les bouquins de Libertalia, de L’Esprit frappeur, de La Fabrique ou de L’Échappée. Aujourd’hui, lors des concerts, il se vend davantage de livres que de CD. Toucher des gens qui ne fréquentent pas forcément les librairies, c’est très important. Mais il faut des petits prix. À une époque, L’Insomniaque vendait sa collection « À couteaux tirés » dans les bars. Le livre doit se trouver partout.

Comment s’articule votre programme éditorial ? Il penche plutôt vers l’histoire, la politique…
Il y aura toujours ce mélange de textes littéraires réédités et de fictions contemporaines. On ne veut pas s’occuper seulement de pamphlets politiques ou de sciences humaines. On sort bientôt un petit polar de Jean-Pierre Levaray, Tue ton patron.

C’est un titre pour choquer le bourgeois ?
Ça nous fait marrer. Il y a un côté provo assumé. Nous n’avons pas envie de policer notre image. Au moins la ligne est claire. Quand on regarde la liste de nos titres, c’est sacrément dur. Cela manque un peu de lumière (rires). Mais on aime la littérature qui a de l’estomac. La littérature, même sociale, est un moyen de s’évader. On s’aperçoit également d’une chose, plutôt terrible : on ne publie que des gens que l’on connaît ou qui nous sont recommandés. Peut-être est-ce une méfiance…

En quoi éditer des livres est-il pour vous une résistance ?
C’est transmettre une parole alternative au cœur de la culture de masse. Le livre est un catalyseur, mais en aucun cas ne nous suffit. Si notre vie se limitait à éditer huit livres par an, nous serions désespérés. Le livre fait partie de toute une démarche collective de résistance, qu’on entreprend avec la musique, - et les concerts que l’on organise -, avec Barricata, avec Libertalia ou plus largement avec la CNT.
Nicolas Norrito : le livre nous aide à vivre, comme le sport d’ailleurs. Journal du voleur de Genet, Sans patrie ni frontières de Jan Valtin, ou encore le Traité de savoir-vivre à l’usage des jeunes générations de Raoul Vaneigem m’ont définitivement influencé. En revanche, je n’aime ni l’industrie du livre, ni le milieu littéraire. Comme ces éditeurs sur le dernier Salon du livre jeunesse à Montreuil qui se foutaient pas mal des vingt gamins roms qui dormaient sur le trottoir d’en face après la démolition de leurs baraquements, alors qu’ils vendent eux-mêmes des bouquins sur la misère des enfants dans les pays du Sud…

Pourquoi cet attrait pour les forçats, les pirates ?
Parce que les pirates sont les ancêtres des anarcho-syndicalistes. Ce que nie l’historiographie marxiste, laquelle ne s’est jamais intéressée aux marins, considérant qu’ils n’étaient pas des travailleurs d’industrie. La devise des pirates, « Une vie courte et joyeuse », nous parle. Nous sommes un peu romantiques (sourires). Les pirates refusant de se laisser exploiter par les armateurs, prenaient possession de leurs bateaux, et créaient une zone autonome temporaire égalitaire et libertaire : salaire identique, capitaine élu et révocable. Nous défendons tous les illégalismes, à l’instar du mouvement des Luddites, ces briseurs de machines en Angleterre au XIXe siècle se définissaient comme des Robins des bois des temps modernes. Tout ce qui permet de faire ravaler la morgue aux puissants nous plaît. La maison d’édition nous ressemble. Quand on parle de la vie des bagnards, on n’évoque pas seulement ceux d’hier, on demande une préface à Jean-Marc Rouillan. La prison est une infâme saloperie.
C’est important de vivre ce qu’on écrit, comme vivre ce qu’on diffuse. Voilà pourquoi on ne se retrouve pas dans certaines maisons d’édition qui préfèrent la radicalité de salon, le communisme mondain, qui ne s’intéressent pas à ce qui se passe en bas de chez eux. Ce n’est pas notre monde. Libertalia n’exploite personne et refuse les subventions publiques.

À quoi attribuez-vous la bonne santé des maisons d’édition dites engagées ?
Il y a un effet anti-Sarkozy, clairement. Les librairies comme la presse accordent davantage d’espaces à une pensée critique. Les ventes de La Fabrique ont beaucoup augmenté. Il y a un regain d’audience pour les livres d’Agone, de Lux ou des Prairies ordinaires. Nous étions persuadés, il y a plus d’un an, que la révolution était pour demain. Certains de la bande de Tarnac côtoyaient les gars de Villiers-le-Bel à la prison de la Santé. La jonction des luttes se préparait entre les jeunes issus de l’immigration et la jeunesse bourgeoise, intellectuelle et politisée. Depuis, le soufflé est retombé… On est loin de 1793. Maintenant c’est Thermidor !

Quels sont vos projets ?
On aimerait acheter les droits d’un roman inédit de B. Traven, Les Cueilleurs de coton, mais c’est très compliqué. Sinon, on publie bientôt Les Mots sont importants, un livre qui tombe à pic après le débat sur l’identité nationale, Les Forçats de la mer de Marcus Rediker, Refuzniks de Martin Barzilai (textes et photos) sur ceux qui refusent de servir en Israël, Les Deux Pieds dans la France de Thierry Pelletier qui est une suite de La Petite Maison dans la zermi, ou encore un essai d’Éric Fournier sur le mythe de la belle Juive en littérature, notamment chez Maupassant. Il y a enfin la suite des aventures de Chéri-Bibi, sauf que le cinquième et dernier tome est franchement réactionnaire.

Propos recueillis par Philippe Savary