Le blog des éditions Libertalia

La Critique des armes dans les Cahiers Jaurès

jeudi 28 novembre 2019 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Publié dans les Cahiers Jaurès numéro 233 (juillet-septembre 2019).

L’idéal révolutionnaire passe par la violence, et par les armes. Mais si les livres sur l’histoire des révolutions sont légion, ceux qui se préoccupent des outils révolutionnaires sont beaucoup moins nombreux. Pourtant, lorsqu’on étudie l’histoire sociale en France, il n’est pas rare de voir des mentions du « citoyen Browning ». L’hymne national lui-même illustre l’importance de cet objet révolutionnaire : « Aux armes citoyens ! » proclame-t-on en chantant La Marseillaise. D’autres chants de révolte mentionnent également l’importance des fusils et revolvers dans l’imaginaire militant. Éric Fournier, maître de conférences en histoire contemporaine à Paris-I, livre une histoire des armes à feu comme objets révolutionnaires. La période étudiée se concentre sur la IIIe République, bien que les dernières pages du livre concernent les années 1947-1948. Cette histoire originale est divisée en deux parties. Dans la première, l’auteur aborde la place des armes dans l’idéal révolutionnaire. Faut-il posséder un revolver pour animer un groupe révolutionnaire ? Doit-on user de telles armes pour appeler au renversement de l’ordre établi ou se confronter aux forces de l’ordre ? Ce sont des exemples de questions que doivent aborder les militants ouvriers avant 1914. La violence est souvent valorisée voire sacralisée par certains d’entre eux, et les armes sont donc indispensables. Mais le fusil peut aussi être l’arme de la répression et l’outil qui éloigne de la république sociale et des avancées démocratiques. Fournier analyse dans cette partie les prises de position à propos des armes, leur condamnation ou leur valorisation. Il le fait en mentionnant les familles du mouvement ouvrier, des anarchistes aux socialistes. Cela apporte du neuf dans la connaissance de cette période, même si on pourra contester telle ou telle affirmation trop rapide. L’importance de l’imaginaire révolutionnaire, souvent rempli d’armes, est bien mise en évidence, alors qu’au même moment les tendances réformistes et républicaines du mouvement ouvrier gagnent du terrain et s’éloignent de la violence. Le choix des armes, ou leur critique, posent des problèmes concrets à celles et ceux qui ont une tendresse parfois coupable pour la violence : il est parfois plus facile d’appeler à la violence révolutionnaire que de tenir en main un revolver.
La seconde partie, qui porte sur les années allant de 1919 à 1939, se focalise davantage sur le parti communiste et ses militants. Là encore, le livre apporte de très nombreuses connaissances sur l’histoire de la violence politique durant cette période. On pourra regretter cependant que les composantes issues du mouvement ouvrier autres que les communistes ne soient pas davantage étudiées. Mais l’approche choisie par l’auteur, qui étudie avant tout la violence à travers les objets révolutionnaires que sont les armes, est très intéressante en particulier dans le contexte des années 1930, marquées par des niveaux de violence plus forts qu’auparavant. L’ouvrage se termine par un cahier d’images qui donne à voir le rôle des armes dans l’imaginaire militant de ces années.
On pourra émettre une critique sur la périodisation de l’ouvrage : si le sous-titre mentionne bien la période de la IIIe République, Éric Fournier fournit un épilogue assez long sur les années 1947-1948. Or, cette période d’après la Seconde Guerre mondiale peut sembler à part dans l’imaginaire révolutionnaire, en particulier en raison de la Résistance armée qui a considérablement modifiée le rapport aux armes. Une telle remarque peut être étendue à la période de la Grande Guerre, qui est finalement presque absente. L’auteur a sans doute considéré que les périodes de guerre n’entraient pas dans son champ d’étude, mais on peut le regretter. En effet, les militants ouvriers en 1914 sont confrontés directement à l’usage des armes. Beaucoup d’entre eux, qui jusqu’à cette date, n’en faisaient pas usage, vont à partir de là pouvoir utiliser une arme à feu et il est certain que cela modifie leur rapport à cet objet et à son rôle dans un éventuel bouleversement révolutionnaire. Mais cette dernière remarque est sans doute la conséquence de la réussite du livre, qui incite le lecteur à s’interroger et à vouloir en savoir encore davantage sur le sujet.

Benoît Kermoal

L’Histoire est-elle manipulée par les médias ?

vendredi 22 novembre 2019 :: Permalien

Émission Nota Bene (Benjamin Brillaud) du 21 novembre 2019, préparée par William Blanc et Christophe Naudin (Les Historiens de garde, Charles Martel et la bataille de Poitiers).

10 000 !

jeudi 14 novembre 2019 :: Permalien

Septième tirage pour Plutôt couler en beauté que flotter sans grâce qui atteint la barre symbolique des 10000 exemplaires. Avis de vent favorable.

Petite histoire du gaz lacrymogène sur Antiopées et Lundimatin

mardi 12 novembre 2019 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Publié sur Antiopées et Lundimatin #214, 1er novembre 2019.

On pardonnera volontiers à l’éditeur français de ce livre l’anachronisme de son sous-titre. L’édition originale datant de 2017, il ne pouvait y être question des Gilets jaunes, leur irruption sur les ronds-points datant comme chacun sait du 17 novembre 2018. Il est vrai, comme le dit Julius Van Daal dans la préface qu’il a rédigée pour l’édition française, que « le 1er décembre 2018, une grêle de 15 000 grenades lacrymogènes s’est abattue sur Paris en quelques heures, établissant une sorte de record ». Et l’on comprend que Libertalia ait voulu situer ce livre remarquable sur l’histoire des gaz de combat utilisés par la police au cœur de l’actualité récente en France, probablement afin de mieux le vendre. Il aurait pu s’en passer, je crois, car la qualité du travail d’Anna Feigenbaum mérite à elle seule qu’on la lise. Elle-même, dans son avertissement, précise que si son ouvrage est « le fruit de cinq années de recherche », qu’il est « nourri d’une longue consultation des archives, de dizaines d’entretiens, de centaines de conversations, de milliers d’articles de presse, de plusieurs enquêtes sur l’expédition de millions de grenades à gaz – et de quelques visites à des salons internationaux de la sécurité » et qu’il propose « une synthèse de milliers d’heures de travail de recherche effectué par d’autres […] pendant plus de neuf décennies », il est surtout centré sur le monde anglo-saxon et il y manque « une histoire du rôle de la France et de l’Allemagne dans le développement du gaz lacrymogène et du lien entre le colonialisme européen et l’essor des armes moins létales » (c’est moi qui souligne).

On aurait aussi pu appeler ce livre « Histoires d’enfumage », car il montre que ce qui devait devenir l’industrie de la communication s’est développée en même temps que celle de ces fameuses armes soi-disant « non-létales », selon la terminologie des marchands d’armes et de la police.

Cette histoire a une préhistoire – voici déjà plus de deux millénaires, « les dynasties régnantes en Inde auraient utilisé des écrans de fumée, des vapeurs somnifères et des armes incendiaires sur le champ de bataille ». Plus proche de nous, et plus sinistre, il faut rappeler les enfumades du Dahra pratiquées en 1845 par l’armée française en Algérie. « En juin, le colonel Pélissier fit allumer un brasier à l’entrée d’une caverne où s’était réfugiée une partie de la tribu révoltée des Ouled Riah, provoquant la mort de plus de sept cents personnes » (hommes, femmes et enfants). Le colonel de Saint-Arnaud, quant à lui, enterra vivants, en bouchant les issues de la grotte où ils s’étaient réfugiés, les Sbéah : « La terre couvrira à jamais les cadavres de ces fanatiques, écrivit-il. […] Il y a là-dessous cinq cents brigands qui n’égorgeront plus les Français. Ma conscience ne me reproche rien. »

L’histoire du lacrymo proprement dit commence avec la boucherie de 14-18. Il semble que ce soient les militaires français, encore eux, qui aient eu les premiers la riche idée de balancer des gaz sur les tranchées allemandes. Et ce n’est pas un hasard si ce furent eux : en effet, nous apprend Feigenbaum, « la police française travaillait, dès avant la Première Guerre mondiale, à l’élaboration de produits chimiques destinés à déloger les barricadiers. Les autorités françaises, tirant la leçon des révolutions du XIXe siècle, cherchaient une arme capable de pénétrer une barricade avec davantage d’efficacité que le tir des fusils et même que celui des canons, pour briser l’esprit collectif qui unissait les barricadiers. »

Après la guerre, les armes chimiques furent interdites sur le champ de bataille par les conventions internationales. Toutefois cette interdiction fut interprétée différemment d’un côté et de l’autre de l’Atlantique, aux États-Unis et en Grande-Bretagne. Dans ce dernier pays, en effet, prévalut durant deux décennies environ un discours somme toute assez logique, tel celui du lord du Sceau privé estimant qu’il était « impossible de soutenir plausiblement que le gaz lacrymogène puisse être utilisé en cas de désordres civils mais pas sur le champ de bataille. » Les Américains, par contre, ne s’embarrassèrent point de tels scrupules : « Pourquoi les États-Unis », déclara le général Amos Fries, personnage clé de l’histoire du gaz lacrymogène, « ou tout autre pays hautement civilisé, renonceraient-ils à la guerre chimique ? Il est absurde de prétendre que son usage contre des sauvages n’est pas une méthode juste et loyale, sous prétexte que les sauvages n’en sont pas équipés. Aucune nation ne tient compte de cela, de nos jours. Si les troupes américaines qui combattaient les Moros aux Philippines l’avaient fait, il aurait fallu que nos soldats ne soient vêtus que d’un pagne et ne se servent que d’épées et de lances. » Cela aussi avait le mérite d’être logique… Solidement appuyé sur cette conviction, Amos Fries, au prix d’un intense effort de lobbying, réussit à obtenir des millions de dollars pour le Chemical Wars Service qu’il dirigeait. Voici ce que disait de lui un journal spécialisé, Gas Age Record, dans son numéro daté du 6 novembre 1921 : « [Fries] a bien étudié la question de l’emploi des gaz et des fumées pour mater tant les foules que les sauvages […] dès que les officiers de police et les administrateurs coloniaux se seront familiarisés avec le gaz comme moyen de maintenir l’ordre et d’affermir leur pouvoir, il y aura une telle diminution des désordres sociaux et des soulèvements de sauvages qu’elle équivaudra presque à leur entière suppression. » Et d’énumérer les avantages du gaz : « […] soustraire l’individu à l’humeur collective de la foule […] l’officier qui commande n’a pas besoin d’hésiter avant de donner à ses hommes l’ordre de s’en servir. » Bien financé, Fries put embaucher des dizaines de chercheurs, mais aussi investir dans l’autre nerf de la guerre, la communication. Les premières applications de cet « art nouveau […] furent destinées à donner une image positive des compagnies minières qui stipendiaient des nervis pour briser violemment, le plus souvent avec l’aide de la police, les grèves de mineurs. Une ample campagne de presse présentait le gaz lacrymogène comme une arme “sans danger”, idéale pour réprimer les fauteurs de trouble en tout genre. Cette croisade était en fait destinée à fournir aux autorités, à la police, aux fabricants d’armes chimiques et aux militaires un moyen de contrôler les foules mécontentes, tout en le parant d’une image morale positive. Ce fut cette découverte essentielle, en matière de relations publiques, qui alimenta la croissance de ce que l’on appelle aujourd’hui le marché du maintien de l’ordre “à létalité réduite”. »

Ce marché explosa littéralement à la suite de la crise de 1929, durant la Grande Dépression. Évidemment, il y avait beaucoup de mécontentement, et par suite beaucoup de manifestations… Une commission sénatoriale américaine qui enquêta sur l’usage du lacrymogène durant ces années-là conclut qu’il s’en était vendu pour une somme équivalant à vingt et un millions de dollars actuels entre 1933 et 1937.

Pendant ce temps-là, les choses évoluèrent aussi au Royaume-Uni. En effet, de plus en plus d’administrateurs coloniaux réclamaient la possibilité d’utiliser des armes « non-létales » afin de contrôler les foules qui se rebellaient contre la tutelle coloniale. En 1933, le ministère de la Guerre produisit un mémorandum qui ouvrit la voie au gaz lacrymogène. Il avançait « cinq points en faveur de cette nouvelle technique antiémeute : éviter de procurer des martyrs au camp adverse ; atteindre tous les manifestants d’un seul coup ; limiter la nécessité de recourir à l’armée contre des civils ; permettre aux policiers de disperser des foules sans avoir à attendre qu’elles se déchaînent ; réduire le nombre de policiers nécessaires au maintien de l’ordre public ». Je souligne car cet argument sur l’anticipation de l’émeute est tout à fait intéressant dans la mesure où, aujourd’hui, les responsables gouvernementaux en charge de la répression des manifestations affirment en général exactement l’inverse : ainsi le sinistre de l’Intérieur Castaner et son acolyte Nuñez n’ont-ils cessé de prétendre, durant l’ « année jaune » qui vient de s’écouler, que les armes « à létalité réduite » dont David Dufresne a recensé les ravages5 n’auraient jamais été utilisées contre des foules pacifiques, mais bien contre des « émeutiers ». Foutaises, évidemment6. Mais la com’ a fait des progrès depuis ses débuts dans les années vingt du siècle passé. L’une des étapes décisives de ce progrès fut constituée par les travaux de la commission Himsworth sur l’usage du gaz lacrymogène et ses effets à Derry, en Irlande du Nord. En 1969 eurent lieu dans cette ville de graves agressions perpétrées par les loyalistes (protestants et partisans du maintien dans le Royaume-Uni) contre les populations pauvres des quartiers catholiques de Derry. Les loyalistes furent protégés et même appuyés par la police, et un déluge de gaz lacrymogènes s’abattit sur le quartier catholique du Bogside. Lors de leur marche annuelle commémorant une victoire d’un prince d’Orange contre des troupes irlandaises, les loyalistes attaquèrent ce quartier. Les habitants se défendirent et les repoussèrent. La police d’Irlande du Nord intervint en protection des loyalistes. À la suite de ce que l’on appela la « bataille du Bogside », et en raison d’une certaine émotion soulevée en Grande-Bretagne par les méthodes brutales de la police, fut mise sur pied une commission d’enquête présidée par un éminent médecin londonien, Sir Harold Himsworth. On pouvait s’attendre à ce que cette commission, très « propre sur elle » et nommée par la puissance coloniale, minimise les effets des armes utilisées, et en particulier du gaz lacrymogène. Négligeant, ou même réfutant tous les témoignages des victimes et des personnes qui les avaient soignées, le plus souvent en dehors des hôpitaux – contrôlés par des médecins loyalistes –, la commission livra une conclusion pour le moins surprenante : les effets du CS (gaz lacrymogène) devaient, selon elle, être considérés comme « davantage analogues à ceux d’un médicament qu’à ceux d’une arme ». À l’évidence, la commission n’avait existé que comme caution « humanitaire » du ministère de l’Intérieur anglais. On devrait faire passer le mot à Christophe Castaner. Une commission ad hoc pourrait ainsi nous expliquer que les yeux crevés, les mains arrachées et autres traumatismes subis par les manifestant·e·s, sans parler de la mort d’une dame âgée à Marseille, ne sont que des effets secondaires et somme toute mineurs de la médication recommandée au pays par les bons docteurs d’En marche… (Ce qui est probablement assez proche de leur point de vue.)

Même si cet avis de la commission Himworth, qui date du début des années 1970, peut paraître absurde, surréaliste, grotesque ou que sais-je encore, il faut pourtant constater qu’il a été systématiquement cité depuis chaque fois qu’un gouvernement voulait minimiser les effets des armes « non-létales ». Et que l’industrie des armes « à létalité réduite » se porte bien : elle pèse aujourd’hui, au niveau mondial, près d’un milliard et six cents millions de dollars. Ses représentants se retrouvent régulièrement au sein de salons internationaux comme Milipol, l’un des plus courus, qui se tient chaque année au parc des expositions de Villepinte, non loin de Paris. C’est là qu’Anna Feigenbaum a rencontré une commerciale de la société israélienne Ispra, à qui elle a demandé ce qu’étaient les cylindres bleus alignés sur une des étagères du stand et qui ressemblaient à des grenades en carton. La vendeuse lui a répondu qu’il s’agissait de grenades lacrymogènes « biodégradables » dont la production « participe de l’effort d’Ispra pour remplacer des matériaux dangereux par d’autres, “moins nocifs pour l’usager comme pour l’environnement”. » Sans blague ! Ces grenades écolos sont fabriquées en fibre de verre composite qui disparaît entièrement au moment de l’explosion… et surtout, elles constituent « une réponse intelligente et raffinée » (dixit Ispra) à ce que les spécialistes du secteur appellent le « phénomène du retour à l’envoyeur » (quand les personnes ciblées par la police lui renvoient ses grenades).

Les marchands d’armes et leurs clients ne reculent décidément devant rien pour fourguer leur camelote, nous l’envoyer sur la gueule, puis s’en foutre, de notre gueule. Ainsi Castaner peut-il soutenir qu’il n’a jamais vu de « violences policières » contre les Gilets jaunes ou Macron ne pas supporter que l’on prononce même ces mots dans un État de droit comme la France.

Bref, lisez Anna Feigenbaum, ce bouquin regorge d’informations (y compris d’ailleurs sur les oppositions aux armes de la police, dont elle est elle-même une militante), dont je n’ai donné ici qu’un aperçu.

Franz Himmelbauer

Eugène Varlin, ouvrier relieur dans la revue de l’IHS-CGT

mardi 12 novembre 2019 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Publié dans la revue de l’IHS-CGT, octobre 2019.

Les écrits d’Eugène Varlin
ou la naissance du mouvement ouvrier en France

Voici enfin rassemblés la totalité des écrits d’Eugène Varlin, ouvrier relieur, qui a joué un rôle décisif dans la fondation de la section parisienne de l’Association internationale des travailleurs (appelée depuis Première Internationale) et dans son développement en France. Varlin va tenir une place importante dans le déclenchement de l’insurrection qui installe la Commune de Paris (1871) et dans l’éphémère aventure de cette Commune révolutionnaire. Varlin n’était pas un théoricien mais un homme d’action qui pensait. Ses écrits sont donc un témoignage saisissant du développement des grèves, des journaux et des organisations ouvrières dans la décennie 1860-1870. Disons tout net au futur lecteur que Varlin n’a pas eu le temps d’écrire sur la Commune elle-même : au cœur de l’action quotidienne, il a été fusillé au lendemain de la défaite des ouvriers parisiens.
Michèle Audin a réuni lettres, articles, plaidoyers, circulaires et autres comptes rendus et il faut lire ces écrits pour connaître et comprendre la naissance du mouvement ouvrier dans notre pays. Une biographie en introduction permet de situer l’époque et Michèle Audin remet brièvement chaque « écrit » de Varlin dans son contexte, ce qui rend la lecture fluide et plus instructive encore.
Nous avons découvert Michèle Audin lors de la présentation de l’ouvrage dans les locaux de son éditeur-libraire, Libertalia. Mathématicienne, elle a écrit des ouvrages dans sa spécialité́, féministe, des romans historiques et, passionnée par la Commune de Paris, un roman ; elle tient un blog sur le sujet. Et quand il lui reste du temps (!), elle est membre de l’Oulipo ce qui ne peut laisser indifférent nos amis typographes et correcteurs.
En introduction au débat, elle pose tout d’abord la méfiance qui était sienne d’une certaine hagiographie qui fait de Louise Michel « la Vierge rouge » et de Varlin un « Christ prolétarien ». Avant de découvrir que notre homme était avant tout un modeste militant, rigoureux, méthodique, attaché aux petites choses qui font vivre les grandes idées. Prenant au sérieux le slogan « l’émancipation des travailleurs sera l’œuvre des travailleurs eux-mêmes », il défendit, contre Karl Marx, l’idée que si les élites « républicaines » soucieuses d’émancipation sociale pouvaient adhérer à l’Internationale, seuls les travailleurs pouvaient y occuper des fonctions d’animation de l’organisation. Un débat qui garde une certaine actualité…
Et pour celles et ceux qui en veulent plus, procurez-vous la brochure éditée par notre IHS : Varlin, relieur et communard, 2011.

J.-Y. L